Agatha Christie : Le Crime de l’Orient Express se base sur le roman éponyme, en l’adaptant de façon plus moderne. L’enquête se déroule en Décembre 2023. C’est un jeu français, entièrement doublé.

Editeur(s)
Microids
Sortie France
18 oct. 2023
PEGI
+18 ans
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Support de test Xbox Series

Ambiance

Le plus gros point fort de ce jeu réside dans son ambiance. Une fois le passage de l’hôtel (qui sert de tutoriel) terminé, Poirot embarque pour l’Orient Express, le train de luxe qui célèbre ses 140 ans d’existence. La musique jazzy colle à merveille dans cette atmosphère hivernale. Un meurtre à bord, le train qui se retrouve bloqué à cause de la neige…

Le train est superbe, en acajou poli. Il rutile littéralement. Divers romans jalonnent les cabines des différents protagonistes. De belles références classiques. Un piano jouxte le bar, j’aurais aimé une petite séquence improvisée car il n’a, hélas, pas servi.

Bien évidemment, ceux qui ont lu le roman ou vu l’épisode dédié dans la série connaissent déjà la clé du mystère. De fait, on identifie d’avance la victime et on devine qui est concerné dans ce crime. Toutefois, l’enquête reste plaisante à suivre. Elle est vivante et intéressante.

Un Poirot différent

Le Poirot mis en scène est très différent de l’interprétation de David Suchet. Il ne parle pas de lui-même à la 3ème personne et porte sa chevalière au majeur gauche, tandis que David Suchet opte pour l’auriculaire droit. Outre ces détails qui ont leur importance, ce Poirot-ci manifeste une certaine condescendance à l’égard d’autrui. Celui de la série est orgueilleux, mais toujours débonnaire. Il y a un gap entre ces deux interprétations, sans parler de la physionomie de ce Poirot qui ne met pas en valeur l’embonpoint de l’original, qui reste avant tout un bon vivant. Poirot aime manger de délicieux repas, quitte à ne plus rentrer dans ses costumes et devoir les retailler. Et il est hors de question de remettre en question son appétit, qui n’est absolument pas la source de ces petits désagréments (il a même fini en cure d’amaigrissement sur la Côte d’Azur)…

Carte mentale

Le gameplay est facile à prendre en main. Poirot inspecte les lieux et discute avec les gens pour récolter des indices. Avec Y, on ouvre la Carte Mentale. Le détective doit tirer ses propres conclusions, reconstituer des scènes de crime, le déroulé. C’est intuitif et très sympathique à analyser.

J’ai aimé le carnet des personnages avec leurs informations et leur numéro de chambre. Par chance, le trajet est linéaire dans le train, constitué d’allers-retours. Et heureusement, car la caméra n’est pas au point… Ma motion sickness s’est activée et j’en ai le plus souffert à la toute fin, à Venise. De surcroît, bien que le train soit à l’arrêt, la caméra tangue légèrement durant chaque cinématique. Je me suis contentée d’écouter les dialogues sans regarder à de nombreuses reprises pour ne pas aviver ma nausée.

Autre souci : les proportions. Les mains sont beaucoup trop grandes et la bouche trop large, le mouvement de la mâchoire s’articule de façon démesurée. Je vais vous donner un petit cours d’art : quelle que soit votre physionomie, la commissure de vos lèvres se situe dans le prolongement de la pupille de votre œil. C’est mathématique et physiologique. Pourquoi ? Un mystère de la nature. Ici, la bouche déborde très largement, notamment celle d’Hildegarde (ma grand-mère portait ce prénom sans le e, hommage à Hildegard Von Bingen).

Heureusement, le doublage intégral en français vient compenser cette rigidité. Les doubleurs sont bons. Je regrette toutefois l’accent d’Antonio Foscarelli, ici il sonne espagnol alors qu’il est italien. Lors des dialogues, on entend les coupures et on perçoit les assemblages au montage : parfois des virgules à la place des points, comme lorsque Poirot trouve un objet. Un détail qui a tout de même une grande importance au niveau de l’immersion.

J’adore les trains, ils m’évoquent le voyage, l’évasion, la créativité. Même si dessiner dans un train est ardu avec le cahotement. J’insiste vraiment sur l’ambiance que l’Orient Express dégage, car c’est son meilleur atout. Celui qui compense tous ses défauts.

Chaque Chapitre propose de collecter des Moustaches Dorées qui sont bien cachées. Assez déroutant, car elles peuvent apparaître dans un endroit déjà fouillé auparavant. Je ne les ai pas toutes obtenues. Et je n’ai pas compris non plus l’intérêt de Joanna Locke de les ramasser de son côté…

Concernant les énigmes, elles ne sont pas très compliquées, mais si vous vous retrouvez bloqué, vous pouvez activer les indices. Au nombre de 3, le dernier vous fournira la réponse. J’avoue que j’avais oublié que la combinaison d’un coffre-fort dépend des mouvements sur la droite et la gauche, sans quoi ça se réinitialise…

L’enquêtrice

J’ai détesté tous les passages avec Joanna Locke. Je m’explique : dans l’enquête d’origine, on sait que la victime du train est la pire des raclures et méritait son sort. Les actes qu’il a commis étaient évoqués, mais sans s’appesantir dessus en boucle. Ici… Chaque moment dans le passé nous ramène au meurtre de Daisy. Et quand on connaît l’histoire, on sait qu’il ne l’a pas seulement tuée… Et, non, je n’ai pas envie d’entendre que le ruban adhésif a servi à couvrir ses cris. Ni trouver le doudou d’une pauvre fillette de 3 ans pour l’emballer dans un sachet plastique froid et infiniment triste…

Tous ces passages n’étaient pas utiles et je me suis forcée à les boucler pour terminer le jeu… Par ailleurs, l’enquête aurait dû se clôturer dans le train, pas à Venise. Le fait que Cassetti/Rachett soit journaliste casse la cohérence et lui donne une couverture qui s’émiette quand on prend le recul nécessaire pour évaluer toute la narration. Il est immensément riche et ce ne sont pas quelques scoops qui lui ont rapporté si gros. Dans le roman, Cassetti est un homme d’affaires. Ici, on l’a affublé du métier de journaliste pour raccorder certains wagons manquants…

Hercule Poirot aurait dû rester le seul enquêteur dans cette histoire. L’Orient Express demeurant le cœur du scénario, sans besoin de bonds dans le temps inutiles et très oppressants.