Test de Farrel

     Si le jeu vidéo en France n’a pas à rougir face à ses concurrents internationaux, c’est avant tout grâce à quelques grands noms. Ubisoft, Ankama, Spiders… autant de talents que nous connaissons tous et qui gonflent l’estime que nous avons en la capacité de notre pays à produire des titres de renom.

     Mais s’il est bien une société qui se démarque particulièrement face aux autres, c’est Quantic Dream.

     Certes, la France a déjà laissé son empreinte en créant, sous la houlette du génial Frédérick Raynal, le genre du Survival Horror en 92 avec le non moins excellent Alone In The Dark. Mais Quantic Dream a su littéralement dépasser les frontières du jeu vidéo moderne pour lui offrir une approche plus cinématographique, cassant les codes et réinventant jusqu’à la roue.

     Oui, en 1999 et avec la sortie d’Omikron : The Nomad Soul, la France s’est simplement imposée comme l’une des actrices majeures du jeu vidéo.

    Et pour moi, comme pour beaucoup d’autres, la découverte de ce jeu – et de ce studio – a changé ma vision du monde. Non, le jeu vidéo n’était plus simplement un divertissement. C’était un art. Une forme supérieure d’expression capable de transcender les genres et les styles, d’inciter à la réflexion, à aller plus loin. Toujours plus loin.

     Et je me souviens encore – c’est vous dire si elle m’a marqué – de cette citation de David Cage sur le manuel dudit jeu :

« Dans le jeu vidéo, tout reste à découvrir. Nous ne sommes limités que par notre imagination ».

    Quelque 20 ans plus tard, je vous livre ça brut de décoffrage, sans doute avec quelques largesses. Mais dans mon cœur d’enfant, les choses avaient changé, et j’allais voir le monde du Jeu-Vidéo avec un regard très différent.

     Aujourd’hui, mon regard n’en est que plus critique sur le travail de celui qui n’a plus réellement d’imagination…

Le Cauchemar Quantique

     Beyond : Two Souls est donc la dernière production de Quantic Dream. Elle essaie de réduire plus encore la frontière entre Jeu-Vidéo et Cinéma… en nous transformant en médiums. Si, si. Je vous assure. En 2013, juste avant la sortie du titre, David Cage déclarait que le joueur serait capable de « Voir ce qu’il y a au-delà de la mort. » Après avoir terminé l’aventure.

     Le melon de cet homme me surprendra toujours.

     Et pour ce faire, Quantic Dream s’est surpassé. Ainsi, les traits d’Ellen Page (Jody), et William Dafoe (Nathan) ; ont été capturés pour animer les deux protagonistes principaux de cette épopée. Deux grands noms du cinéma qui ne sont plus à présenter.

    Graphiquement, les CGI et la Motion Capture sont tout simplement bluffants, offrant un réalisme incroyable au titre. Chaque plan, chaque séquence, nous fait plonger avec malaisance dans l’Uncanny Valley sans que jamais rien ne nous permette d’en sortir. Mais la prouesse est là et il est important de la noter.

    Le choix des acteurs est, en revanche, tout à fait discutable… ou pas. Les dernières productions de Cage sont parsemées d’un manichéisme affligeant, ne laissant jamais place aux nuances. Ainsi, dès les premières secondes, les enjeux sont posés : Jody incarne l’héroïne et Nathan fait office de méchant. En même temps, difficile de choisir une actrice plus pure et innocente qu’Ellen Page ; ni de « tête de vilain » plus crédible que William Dafoe…

L’Apogée du Non-Jeu-Vidéo

      Et des critiques, j’en ai à faire à ce pauvre Beyond : Two Souls. Des quantités, même.

     Car si la promesse de Cage est une réussite totale, elle met aussi et surtout en exergue le fait que cette formule d’apprentis sorciers ne marche tout simplement pas. On a ici atteint de facto les limites du « non-jeu », au point où tout ce qui n’a pas trait à l’univers du Cinéma passe au second plan.

     Ainsi, vous découvrirez rapidement et avec une touche de déception qu’il est impossible de perdre dans Beyond : Two Souls. La mort vous est tout simplement interdite, même en le voulant. Inutile de vous dire qu’à partir de ce constat, il devient plus difficile de réellement s’impliquer, de ressentir la moindre adrénaline, la moindre joie d’avoir atteint son but.

     De fait, on se laisse porter par une intrigue d’une platitude affligeante, où les enjeux sont d’une niaiserie digne d’un téléfilm. Et on suit, en se contentant d’appuyer mollement sur les boutons de la manette, les phases de « gameplay » ne servant qu’à nous conduire à la prochaine cinématique insipide.

     Que reste-t-il du jeu, alors ? Rien. Aucune inventivité, contrairement à ce que Quantic Dream m’a fait ressentir dans Fahrenheit. Aucune surprise comme dans Omikron : The Nomad Soul. Seulement la fade platitude d’un ennui mortel.

     Et l’expérience se termine comme elle a commencé : en se demandant pourquoi on vient de perdre 10h de notre vie devant cette production, plutôt que 2h devant un bon film.

Kev Adams et Gad Elmaleh présentent…

     Beyond : Two Souls est un jeu raciste. Et jamais je n’aurais cru prononcer ces mots un jour, tant je suis friand d’un humour franchement limite, conscient de la différence entre la boutade et la haine pure et simple.

     Mais ici, impossible de passer à côté. Les personnages principaux sont aussi blancs que M. Propre, les asiatiques parlent avec un « accent petit nem », et le seul personnage à réellement périr est… Noir.

     Le racisme n’est jamais clairement assumé dans le jeu. Il laisse un arrière-goût qui reste en bouche, une sensation de malaise diffus, profondément ancré dans l’intellect même de l’entreprise et des concepteurs.

J’aime

J’aime moins

L

Graphiquement très joli.

L

La Motion Capture.

K

Un vrai « non-jeu ».

K

Aucune créativité.

K

Une histoire manichéenne et plate.

K

Des enjeux insipides.

K

Aucune liberté d’action.

K

Finalement plus un mauvais téléfilm qu’un vrai jeu…