Dans l’Ombre est un recueil qui regroupe 11 histoires du mangaka Junji Ito. Paru le 16 Avril 2025 aux Éditions Mangetsu, il se compose de 344 pages.
Mon adoration pour le maître de l’horreur remonte à l’an 2004 ; ses œuvres continuent de me faire voyager dans des abysses profonds et artistiquement stimulants. Junji Ito possède une maîtrise de l’horreur exceptionnelle, qui joue avec la folie du genre humain. Une fois encore, Mangetsu nous propose un ouvrage de grande qualité, préfacé par Stéphane Bouyer, et incrémenté de l’analyse de Morolian. Voici les 11 histoires du maître :
L’Impasse : Ishida loue une chambre qui fut autrefois habitée par la fille de la propriétaire. Un homme ne tarde pas à le mettre en garde : dix ans plus tôt, il a loué cette fameuse chambre et le bâtiment muré accolé à ce dernier lui donne encore des cauchemars… Dans cet endroit abandonné, trois silhouettes d’enfants semblent prendre vie la nuit…
Le Mannequin : Iwasaki est doté d’un 6ème sens aiguisé. Il sent quand la malchance va frapper, et il sait que cette fois, ce sera pire que son accident de voiture… En lisant un magazine de mode, il tombe sur la photo d’une femme aux traits vraiment particuliers qui lui inspire une vive répulsion. Il ne tarde pas à en faire des cauchemars. Mais lorsque son petit groupe monte un projet de film et ouvre un casting, cette femme cauchemardesque propose sa candidature…
La Chute : Une série de suicides a frappé la ville récemment. Un soir, le mari d’Erika la trouve pendue, presque morte. Il la détache à temps et la conduit à l’hôpital. Erika regrette que son mari ne l’ait pas laissée partir. Une fois la nuit venue, de nombreux patients sortent dehors, comme envoûtés. Au total, 200 personnes disparaissent, sauf Erika, dont le corps s’enchevêtre à une branche. Elle prédit alors qu’ils vont tomber, et les disparus chutent depuis le ciel pour se fracasser au sol…
Voisines de chambre : Suite à un accident de voiture, Mme Hashimoto se retrouve dans une chambre d’hôpital avec Sugie, qu’elle a percutée, ainsi que 4 autres femmes. Outre les reproches qui fusent en permanence, des picotements dans ses joues et sur ses lèvres ne tardent pas à la tirailler. Les quatre pensionnaires semblent étrangement reliées, comme si elles partageaient une même conscience…
L’Auberge : Suite à un rêve, un homme décide de transformer sa maison en auberge. Son aïeul lui a indiqué que sous sa maison se trouvait une source, alors il creuse jusqu’à 20 mètres plus bas. Sa folie prend de l’ampleur, il démantèle la maison et change de plus en plus… Son épouse s’enfuit avec sa fille. 10 ans plus tard, cette dernière évoque ce souvenir à Mitsuyo, son compagnon qui, curieux, décide de se rendre dans l’Auberge des Enfers…
L’Assentiment : Kyôsuke souhaite épouser Misuzu ; cependant, le père de cette dernière ne cesse de rejeter sa demande. Kyôsuke finit par quitter Misuzu et trouve une autre petite amie, qui décède peu après avoir vu son ex… Kyôsuke se remet en couple avec Misuzu dont le père rejette toujours la demande en mariage, année après année. Visiblement, il cache un sombre secret concernant sa fille, qui remonte à leur rupture…
Les Fumeurs : Nakaya possède d’étranges cigarettes qui dégagent une fumée noire et nauséabonde quand elles sont allumées. Kondô est invité à rejoindre le Cercle des Fumeurs qui réunit tous les amateurs qui les consomment. Réticent, il se laisse persuader d’essayer. Mais ce ne sont pas des cigarettes ordinaires, ce tabac pousse à côté d’un crématorium…
La Moisissure : Le frère de Seiji part travailler une année à Los Angeles. Mr Rogi, son ancien professeur, loge chez lui avec sa famille pendant son absence. Lorsque le jeune homme revient, il trouve sa maison dans un état particulièrement sale… Au fil des jours, la moisissure se multiplie de plus en plus et les locataires semblent avoir disparu…
La ville sans rues : Saiko trouve régulièrement la fenêtre de sa chambre ouverte. Kishimoto lui apparaît dans ses rêves chaque nuit, jusqu’à ce qu’un individu l’agresse dans son songe. Au matin, le corps sans vie de Kishimoto est retrouvé et toute la famille de Saiko sombre dans la folie. Tous percent des trous dans les murs de sa chambre pour l’observer à son insu. Tous nient les faits. Saiko décide de partir chez sa tante, mais la ville qu’elle cherche a beaucoup changé… Ainsi que ses habitants…
Souvenirs disparus : Rie s’admire dans son miroir, elle se trouve sublime. Cependant, un souvenir diffus la dérange… Celui d’une jeune fille laide qui observe son reflet… Elle n’a aucun souvenir de ses 7 à 14 ans et se demande si cette fille n’est pas son alter ego qui pourrait la défigurer en se manifestant…
Le marchand de glaces : Tomoki est ravi lorsque le marchand de glaces passe. Son père l’autorise à monter dans son camion avec d’autres enfants. Mais Tomoki change à mesure qu’il mange les glaces contenues à l’intérieur…
Ce nouveau recueil propose d’excellentes histoires de Junji Ito. Sombres, fascinantes, elles jouent avec l’appréhension du lecteur. Que va-t-on découvrir derrière la page suivante ? Quelle horreur digne de Lovecraft nous fera frémir ? Au-delà de l’aspect graphique, la folie se déploie ; notamment dans La ville sans rues, dont les habitants font preuve d’un voyeurisme malaisant. L’Assentiment reste mon histoire préférée, elle ne propose aucun plan choquant mais distille une horreur qui se répand à travers le temps. Kyôsuke perd les plus belles années de sa vie et ne découvre la vérité que trop tard…
Visuellement, un soin très minutieux sublime le body horror. L’atmosphère délétère, implantée dans notre monde, invite souvent des forces obscures qui défigurent les protagonistes. Le fantastique accueille des ténèbres innommables qui font penser à l’horreur lovecraftienne. L’aspect visuel impacte, invitant des cauchemars malaisants.
