Test de Farrel
Hyper-5 est un shoot’em up développé par Hyper Production, un jeune studio jusqu’alors inconnu. Étant leur premier jeu, c’est l’occasion rêvée de découvrir ce qu’ils ont dans le ventre ainsi que leur approche du médium vidéoludique.
Pour leur entrée dans la cour des grands, ils ont pris le pari de s’attaquer à un genre de niche, ultra codifié et dont les amateurs sont connus pour être particulièrement exigeants et prompts à la critique. Car il s’agit ni plus ni moins du genre qui a créé le médium et porté l’industrie elle-même, à qui l’on doit tout, chaque évolution ou amélioration. Un genre qui a été l’apogée d’un âge d’or, qui a permis au médium de transcender les frontières et les supports, et l’a porté jusqu’aux nues.
Et vu le résultat, il semble que l’équipe derrière Hyper-5 n’ait absolument rien compris.
Des fans de Crytek ?
Une bonne partie de la communication autour du jeu s’est focalisée sur ses graphismes, comme s’il ne s’agissait que de son unique point d’intérêt. Après avoir passé plusieurs heures à parcourir les niveaux, je peux affirmer que ce n’est malheureusement pas loin de la vérité.
Mais comme le disait Cevat Yerli, le patron de Crytek : « Les graphismes font 60%
d’un jeu »… n’est-ce pas ? Eh bien, puisqu’il s’agit visiblement de la principale qualité du titre, autant commencer par là et juger ces fameux graphismes.
Hyper-5 est indubitablement un beau jeu, du moins en ce qui concerne son moteur. Les visuels sont propres, les modèles 3D soignés, les environnements diversifiés ; adoptant une approche très cinématique. Il est évident que l’accent a été mis sur cette partie. Cependant, vous comprendrez rapidement que la supercherie est de taille. Car là où Hyper-5 brille surtout, c’est par ses arrière-plans. Oui, ils sont réalistes et clairement très jolis. Mais je parle surtout ici de décors de fond qui, dans le cadre d’un shoot’em up, pourraient simplement être remplacés par des vidéos. Et c’est effectivement le cas ici.
Concernant les éléments de premier plan, soit l’environnement « réel » du jeu, le rendu est bien moins fin sur Nintendo Switch. Il en résulte ce sentiment d’être face à une œuvre hybride cherchant à juxtaposer des éléments dissonants les uns aux autres.
Pourtant, on sent une réelle volonté de créer une interconnexion entre les deux plans, comme si les développeurs étaient parfaitement conscients de cet écueil et avaient tenté de le minimiser via quelques artifices assez adroits.
Il n’est pas rare de voir des ennemis surgir de l’eau, des tourelles apparaître sur des emplacements d’arrière-plan spécialement dédiés…
La différence est d’autant plus flagrante en mode TV, puisque les modèles s’aliasent… tandis que le fond demeure stable et réellement très beau. De même, vous serez régulièrement choqué par la taille des polygones des éléments destructibles,
contrastant totalement avec la cinématique qui se joue derrière.
Sur ce point précis, je ne saurais que trop vous conseiller de vous orienter vers les versions Xbox / Ps5 / PC du titre, tant l’optimisation sur l’hybride de Nintendo ne rend pas hommage à l’expérience.
Autre point qui dessert totalement le titre : les développeurs de chez Hyper Production semblent ne pas avoir intégré le fait que les graphismes c’est bien… mais que la direction artistique, c’est mieux.
Hyper-5 est un jeu excessivement banal sur ce plan, sans aucune idée visuelle qui se démarque des autres productions. Car je ne vous parle pas ici d’un vulgaire jeu d’action. Je vous parle d’un Shoot’em Up.
Et dans le petit univers si particulier des amoureux de boules colorées qui viennent envahir l’écran, nombreux sont les titres à proposer une direction artistique hors norme.
Chaque seconde passée sur Hyper-5 ne fait qu’amplifier une nostalgie pour des titres comme Ikaruga ou Deathsmiles, Touhou, Dodonpachi ou encore tout simplement… R-Type.
Mais qu’importent les graphismes ! Car il est temps de se l’avouer : dans le SHMUP, rien n’importe plus que le game design dans son ensemble : scoring, pattern des ennemis, dynamisme des combats, level design… En bref, tout ce qui transcende tous les autres domaines artistiques, au point qu’il soit possible de développer un excellent jeu sans le moindre décor, comme nous l’a prouvé par le passé Geometric Wars.
Il est donc grand temps de parler… de gameplay.
Sortez les fourches et les torches.
Les premières parties d’Hyper-5 donnent une impression très étrange aux amateurs de shoot’em up, comme un malaise incompréhensible. Comme si quelque chose d’étrange s’était greffé à l’ensemble de la production.
Le titre est difficile, il faut de nombreux tirs pour détruire le moindre petit ennemi. Les boosts et les améliorations sont rares, comme si tout avait été mis en œuvre pour
rendre le jeu particulièrement frustrant, très loin des canons d’un genre pourtant, je le rappelle, codifié à l’extrême.
Le plaisir instantané que procurent habituellement ses concurrents n’est pas là ; au contraire, même le premier niveau se révèle particulièrement agaçant, comme s’il avait été réalisé par une équipe n’ayant jamais touché au moindre jeu du genre.
Et ce n’est qu’au terme d’un boss vaincu que tout se révèle à vous : à chaque fin de mission, votre maîtrise du jeu est notée. Ce score débloque des points que vous pouvez alors investir dans l’achat d’armes et d’améliorations diverses et variées.
Dans le médium vidéoludique, amener du changement via des améliorations ou en piochant des éléments dans un autre genre apporte généralement un vent de fraîcheur bienvenu, salué par la critique autant que par les joueurs. Mais là, on parle d’un shoot’em up. Et dans un shoot’em up, il existe un terme pour ce genre de transgression : hérésie.
Car non content d’apporter ce semblant de leveling, Hyper-5 ose également s’orienter dangereusement vers… le roguelite. Le titre vous impose de perdre pour mieux recommencer avec plus de facilité, via l’achat ou l’amélioration de vos armes et équipements.
Pire encore, le titre ajoute une notion de « bonus quotidien », comme pour vous inciter
à revenir chaque jour afin de débloquer du contenu. Et dans les faits… c’est bel et bien le cas.
Le problème est simple : cette mécanique fonctionne parfaitement sur un smartphone et éventuellement sur de très grosses productions apportant du contenu régulier. Mais elle n’a clairement rien à faire dans un shoot’em up.
L’ADN même du genre pousse au speedrun, au dépassement de soi, à découvrir toutes les subtilités à force d’efforts et de persévérance, comme si le réel adversaire n’était pas celui qui était affiché à l’écran, mais bel et bien le développeur lui-même.
Prenant le contrepied total sur ces acquis, Hyper-5 tente une approche plus « jeune et dynamique », vous incitant à renoncer face à la moindre difficulté pour revenir plus tard. Chargé de bonus, le niveau de difficulté baisse drastiquement, jusqu’à finalement n’être rien de plus qu’un jeu diablement simple et sans le moindre intérêt.
Certes, quelques passages sont fort agréables, comme ces changements d’angles de caméra ou ces transitions cinématiques… Mais au final, je ne saurais que trop vous conseiller de simplement passer votre chemin.





