Idol Manager est un titre original puisqu’il ne vous met pas directement dans la peau desdites adolescentes faisant tout pour devenir des stars, mais bien dans celle de leur… manager. Effectivement, le titre porte bien son nom.

Premier jeu de Glitch Pitch, tout jeune studio indépendant uniquement composé de deux personnes ; Idol Manager est, comme vous vous en doutez, un jeu de gestion.

Grand amateur devant l’éternel de ce type de production, je m’attendais à tout… sauf à quelque chose d’aussi addictif et réaliste.

Editeur(s)
Playism
Sortie France
25 août 2022
PEGI
+12 ans
Liens Site Officiel
Support de test Nintendo Switch

Le monde « merveilleux » d’Idol Manager

Ah, les Idols… de jeunes filles enjouées chantant et dansant gaiement aux rythmes entraînants d’une J-Pop endiablée, des hordes de fans achetant leurs cds et scandant leurs noms dans les rues, le succès, les strass, les paillettes, la dépression et la prostit… Attendez, quoi ?

Idol Manager fait indubitablement partie de ces titres surprenants, pour ne pas dire singulièrement réalistes. Et constater qu’il est classé « PEGI 12 » sur l’ensemble des stores me remplit d’une froide terreur, ainsi que de l’inexpugnable envie de pondre un dossier vindicatif contre ce système de notation totalement dans les choux.

Idol Manager vous met dans la peau d’un jeune homme venant par une sinistre nuit d’orages à la rencontre de son futur actionnaire majoritaire, un homme charmant et bien sous tous rapports, souhaitant venir en aide aux entrepreneurs bourrés de talents.

Pour être plus précis, le jeu vous introduit directement à son futur contenu : l’homme en question doit absolument louer un immeuble de bureau dans lequel, jusqu’alors, il faisait travailler des filles. Oui, c’était également un manager… mais d’un autre type.

Ayant des problèmes avec la justice, il tente par tous les moyens de dissimuler ses activités peu vertueuses en relouant le plus vite possible ses locaux, afin que les autorités ne soient plus en mesure de trouver la moindre preuve compromettante.

En plus de vous laisser un étage entier de son building gratuitement, le boug vous gratifie de quelques conseils bien sentis, ainsi que d’un guide pour devenir un grand manager et d’une poignée de billets. Un investisseur au grand cœur et aux mœurs venus d’ailleurs, en sommes.

Mais qu’importe ! Vous, votre rêve, c’est de devenir le futur manager d’un groupe d’Idols. Pourquoi ? Mais pour l’argent bien sûr ! Quelle autre raison pourrait motiver un homme à vouloir briser la vie et les rêves de jeunes étudiantes en les faisant travailler telles des esclaves jusqu’à la mort ?

Cette surprenante introduction passée, vous plongez dans le vif du sujet. Cependant, vous n’êtes pas seul en lice et bien vite une « saine » compétition va se mettre en place avec une autre manager. L’occasion pour vous de lui rabattre son caquet en prouvant au monde que vos filles sont plus dociles que les siennes !

Nonobstant le côté excessivement glauque du jeu, Idol Manager sait se montrer particulièrement prolixe en dialogues bigrement réalistes et bien écrits. Les développeurs ont en effet eu la présence d’esprit de ne pas miser que sur une seule et unique tonalité, vous permettant ainsi d’aborder tant à la fois le côté mercantile et sinistre de ce milieu autant que la joie dans le regard des filles que vous avez à diriger.

Car oui, tout n’est pas noir dans Idol Manager. Tout au contraire. Si votre personnage est clairement dépeint dès le départ comme, disons-le franchement, un sombre connard ; il ne tient qu’à vous de changer cette image en dirigeant vos filles avec un maximum d’empathie, de tendresse et d’amitié.

Oh bien sûr, le sentier du succès et de la gloire sera alors bien plus délicat à parcourir et vous découvrirez rapidement que l’empathie n’a clairement pas sa place dans ce domaine. Mais c’est une possibilité offerte par le jeu et, très clairement, bien agréable à suivre.

Sorte de mode difficile qui tait son nom, cette vision « éthique » du monde des Idols donne un peu d’espoir dans le marasme de ce que vous allez découvrir tout au long du titre. Et ce n’est clairement pas de trop.

Cependant, et je veux réellement insister sur ce point, jamais Idol Manager ne sombre dans l’humour noir ni la perversion. Le studio a choisi le prisme du jeu-vidéo pour dénoncer un milieu abominable, et y parvient à la perfection.

Pour la partie intrigue, je n’irais pas plus loin. À réserver à un public vraiment averti, Idol Manager dispose d’un scénario vraiment prenant qui se laisse suivre avec une pointe d’amertume, mais qui parvient sans peine à passer son message sans rien masquer des réalités de ce milieu.

Uniquement disponible en anglais cependant, le titre pourra rebuter les moins anglophones tant il est riche d’un vocabulaire particulièrement pointu et de termes techniques.

Un jeu de gestion plus que complet

Mais Idol Manager ne propose pas qu’une intrigue, bien loin de là. La boucle de gameplay est d’une douce complexité, proposant bon nombre d’options pour faire de vous le meilleur manager.

Introduit par un long didacticiel vous guidant au travers de toutes les étapes essentielles de la réussite, le jeu vous laisse malgré tout dès les premiers

instants (y compris durant cette phase d’apprentissage) une grande liberté de choix et d’options.

Vous allez bien entendu devoir recruter des filles, par un système de casting vraiment unique en son genre. Concrètement, cela consiste à investir dans une campagne d’auditions (locales, régionales ou nationales). Plus la zone de recherche est importante, plus les chances de trouver la perle rare sont élevées… en échange d’une plus grande somme d’argent à dépenser, bien entendu.

Le « casting » s’effectue sous forme de cartes aléatoires. Oui, vous ouvrez des boosters d’adolescentes… et pouvez même trouver des shiny. Ces cartes brillantes sont des filles plus talentueuses que la moyenne, aux caractéristiques boostées ou disposant d’un talent très particulier. Des recrues de choix qui deviendront, bien souvent, leader de vos futurs groupes.

Si de prime abord le joueur regarde cette mécanique avec circonspection (et un certain malaise) ; force est de constater qu’avoir choisi ce mode de « recrutement » est parfaitement dans le ton du reste du jeu. En déshumanisant au maximum ces jeunes filles pour ne faire d’elles, dès leur casting, que de vulgaires « cartes à collectionner », le studio parvient avec une justesse rare à dénoncer les dérives d’un milieu pour qui elles ne sont que des produits de consommation, échangeables et jetables à loisir.

Maintenant que vos jeunes recrues sont engagées, il va falloir les faire connaître. Et là encore, sous couvert d’un excellent jeu de gestion, Glitch Pitch parvient à démontrer à la perfection combien ce milieu met tout sauf le talent et l’inspiration en avant.

Votre petite entreprise va très rapidement se transformer en véritable usine à tubes via le recrutement d’une chargée de communication, d’un coach vocal, d’un entraîneur de danse et de bien d’autres encore. Tous les métiers reliés de près ou de loin au domaine sont représentés à la perfection et, surtout, sans la moindre petite limite.

Une de vos recrues est une excellente chanteuse à la voix d’or mais une piètre danseuse ? Pas de soucis, une option vous permet de l’entraîner sans interruption jusqu’au seuil de l’épuisement physique et moral ! Son prochain concert sera peut-être le dernier, mais au moins elle partira dans un final flamboyant.

Et il en va de même pour l’intégralité des autres aspects : afin de vous faire connaître, il peut par exemple être nécessaire d’envoyer l’une de vos recrues faire des interviews ou des photoshoots. Et si l’une d’entre elles a le « malheur » de s’exprimer mieux ou d’être plus jolie, alors vous l’enverrez sans vergogne sous les crocs de la presse, voire poser pour des magazines en échange de quelques yens.

Mais le temps passe, et il va falloir sortir votre premier single ! Bien entendu, les filles n’ont absolument pas leur mot à dire. C’est vous (et vos employés) qui allez choisir le thème, écrire les paroles, composer la musique et la chorégraphie. Vous êtes même libre de tout faire par vous-même, ou de déterminer la position de chaque membre dans la future composition.

Et encore une fois, le côté glauque reprend le dessus. Pour maximiser vos chances de vendre, mieux vaut en effet reléguer les grosses et les moches à l’arrière. Moins elles sont visibles, plus vous aurez de chances de succès !

Particulièrement dur dans son propos, Idol Manager propose un sous-texte incroyablement puissant, traduit à l’image uniquement par le gameplay. Ce sentiment incroyable vous prend aux tripes lorsque vous vous rendez compte, après quelques heures de jeu, avoir perdu totalement de vue que les membres de votre groupe sont… des personnes.

Car comme dans tout jeu de gestion, votre regard sera continuellement attiré par vos revenus et par les coûts, le nombre de « fans » ou les charts. Le succès n’est guère loin… mais il faudrait que la petite grosse danse mieux. Alors qu’importe ses sentiments, ses rêves, ses espoirs ; vous l’envoyez s’entraîner encore et encore.

Et la première claque arrive lorsque, à la veille d’un concert particulièrement important, vous retrouvez cette dernière en train de pleurer, tête enfouie dans les genoux, dans la salle de « repos » qui prend la poussière depuis des semaines.

Alors vous vous souvenez que le jeu propose également des options de dialogues. Vous apprenez à les connaître. Celle-ci a peur des araignées, celle-là vient d’une famille nombreuse et envoie chaque semaine une partie de ses cachets aux siens…

Vous vous êtes fourvoyé depuis le départ. Certes, le groupe fonctionne bien… mais à quel prix ? Alors vous essayez une autre méthode, plus proche des nouvelles recrues de votre prochain groupe. Cette fois, vous allez vraiment prendre soin d’elles… jusqu’à la faillite pure et simple.

Trouver le juste milieu, l’équilibre parfait, est un sacerdoce qui vous incite à revenir lancer une nouvelle partie et essayer autre chose. Mais la réalité est immuable et, dans le monde des Idols, il n’y a guère de place pour l’empathie, l’émotion et la gentillesse.

Les Idols, le cœur du Manager

Idol Manager est un jeu de gestion ultra complet. Car outre ses nombreuses options disponibles (dont je n’ai vraiment évoqué qu’une infime partie dans la section précédente), il dispose également d’une force incroyable : sa rejouabilité.

Jamais deux groupes ne se ressemblent, tant les Idols disponibles sont nombreuses. Surtout si vous décidez de prendre soin d’elles. C’est véritablement là que le titre s’envole comparé à ses principaux concurrents.

Chaque fille dispose de ses caractéristiques, mais également de « traits de caractère » uniques. Certaines sont plus facilement soumises au stress à la veille d’un gros événement, d’autres plus susceptibles de sombrer dans la dépression en cas de faibles ventes.

Apprendre à les connaître passe par des « rendez-vous » durant lesquels vous allez découvrir certaines informations qui vous serviront tôt ou tard, lors d’un jeu télévisé ou au détour d’une question posée par un journaliste.

De plus, parvenir à les rendre heureuses peut également débloquer des options de romance ! Uniquement lorsque ces dernières sont majeures, bien entendu.

Car oui, Idol Manager inclut également le passage du temps et, de fait, le vieillissement de votre groupe. Une fois encore, le studio a tout misé sur cette fonctionnalité pour dénoncer une bien sombre réalité du milieu : les jeunes sont bien plus « mignonnes » et plus elles prennent de l’âge, plus elles deviennent « sexy »… jusqu’à la limite de 20 ans ou, clairement, elles sont bonnes mettre à la porte.

Certaines veulent faire carrière, d’autres sont simplement de passage le temps de leurs études. Et très clairement le jeu a été pensé en étudiant soigneusement le monde des Idols, tant les options de gestion de vos filles sont nombreuses.

Vous avez, par exemple, la liberté de leur interdire de s’exprimer en public, de surveiller leurs réseaux sociaux, de les empêcher d’avoir des petits amis… ou tout au contraire de les laisser vivre leur adolescence librement, au risque de déclencher des scandales et l’ire de certains types de public.

Car oui, en plus de tout cela, Idol Manager gère également les fans ! Loin d’être uniquement un nombre affiché en haut à droite de l’écran, vous avez accès à des statistiques très détaillées du type de public que vous parvenez à séduire. Allant des jeunes filles aux hardcores (mais si, vous savez, ces otakus de 45 ans faisant la queue pendant des heures pour acheter un autographe de leur Idol favorite, affublé d’un t-shirt arborant la photo de cette dernière), il va vous falloir composer avec eux… et ce n’est pas toujours une sinécure.

Les hardcores sont, par exemple, particulièrement sensibles aux compagnons de vos Idols. Inutile donc d’en laisser une flirter publiquement, sinon en assumant les trombes de haine qui ne manqueront pas de s’abattre sur elle.

J’aime

L

Un excellent scénario…

L

Un message fort, véhiculé avec brio via des mécaniques de jeu

L

Un jeu de gestion ultra complet

L

Une excellente rejouabilité

J’aime moins

K

… mais sinistre de réalisme

K

Aucune traduction française