Le Déserteur est un recueil horrifique qui réunit 12 histoires de Junji Ito, publié le 26 Juin 2024 chez Mangetsu, il se compose de 400 pages. Réservé à un public mature et averti.

Les premières histoires du maître

Ce recueil d’histoires d’horreur regroupe les premières histoires de Junji Ito, créées entre Juillet 1987 et Septembre 1990. Au programme :

  • Préface de Paweł Koźmiński
  • Bio House
  • Comme deux gouttes d’eau
  • Un endroit où dormir
  • La théorie du mal
  • De longs cheveux sous le toit
  • Notre amour en trois actes
  • L’épée de réanimation
  • Dans le cœur d’un père
  • L’insoutenable labyrinthe
  • Le village des sirènes
  • La sadique
  • Le Déserteur
  • L’analyse de Morolian

 Si je connaissais déjà certaines histoires, j’ai pu en découvrir 6 inédites dans ce recueil.

J’ai découvert Junji Ito en 2004 avec Tomie, dont la couverture m’a immédiatement ensorcelée, puis Spirale (son plus grand chef-d’œuvre à mon sens), ensuite Gyo ; et depuis, ses œuvres continuent de jalonner mon existence au fil des années. Pour moi, il est le maître de l’horreur et il m’a grandement inspirée. Ici, Junji Ito nous livre des histoires variées : Un homme aux goûts culinaires pour le moins excentriques, une jeune fille capable de prendre l’apparence de qui bon lui semble, un écrivain dont le double essaie de s’échapper du monde des rêves par son propre corps, une étudiante qui se laisse convaincre de se suicider par le biais d’une théorie, une demoiselle aux longs cheveux qui vient de rompre et entend des rats à l’étage, un acteur qui brise le cœur de ses conquêtes en leur léguant une cassette, un homme capable de rendre la vie avec son épée, une famille étrange frappée de migraine, une secte aux desseins mortels, des sacrifices humains, une fillette sadique, un déserteur cloîtré dans un grenier depuis la Seconde Guerre mondiale.

 Le style de dessin est réaliste, quoiqu’encore un peu balbutiant à cette époque, notamment Bio House. Les mangas suivants ont gagné en assurance au niveau du trait. Tous les protagonistes sont brillamment travaillés, dans leur physionomie qui se distingue facilement ; mais surtout leur démence et l’aspect fantastique quand ils s’y confrontent. Junji Ito ne joue pas seulement avec la dimension ésotérique, La sadique étant un parfait exemple de l’horreur humaine. Chaque histoire apporte son lot d’étrangeté, de surprise, de glauque, de malaise…

Junji Ito s’est autrefois inspiré de Kazuo Umezu et Stephen King. Des styles qui ont laissé leur empreinte dans ses œuvres. Il n’hésite pas à explorer la noirceur humaine, en descendant très profond. J’ai énormément de respect et d’admiration pour cet homme.

Sanglant, teinté de folie, de mysticisme ; Le Déserteur happe son lecteur qui se demande dans quelle direction l’histoire va évoluer. Junji Ito est imprévisible, on ne parvient pas à deviner comment ses histoires se terminent. Et c’est bien tout ce panel de possibles horreurs qui hérisse. La mise en scène est très efficace, notamment celle de la tête de Chiemi au grenier. Le père va voir ce qui se passe, sa deuxième fille le rejoint et le découvre… mort de peur ! La lampe qui éclairait son visage tombe sur le plancher pour dévoiler la tête coupée de sa sœur aînée. Les cheveux de cette dernière ont leur vie propre, ils soulèvent les paupières mortes de Chiemi qui laissent son regard vitreux se poser sur eux, tout en soulevant sa bouche dans un rictus grotesque. Et jusqu’au bout, le lecteur ignore ce qui hantait le grenier pour posséder la tête de la jeune femme. Les rats ne sont pas à l’origine de cette curieuse décapitation.

C’est bien cela, Junji Ito. Le cauchemardesque, l’audace de mettre en lumière des ténèbres choquantes. Il laisse une marque dans chacune de ses œuvres. Je ne puis davantage détailler ce recueil que je ne souhaite pas spoiler. C’est une petite pépite qui se dévore rapidement…

Conclusion : Le recueil du maître de l’horreur

Le Déserteur nous propose 12 histoires d’horreur qui remontent aux débuts de Junji Ito. Sombres, angoissantes ; elles explorent les vices de l’être humain. Un recueil qui ravira tous les fidèles du maître de l’horreur.