Little Witch Academia: Chamber of Time est le tout premier titre majeur du studio japonais APlus, après n’avoir travaillé que sur des jeux plutôt moyens à destination des smartphones.

Et pour leur entrée dans la cours des grands, Bandai Namco leur a confié non moins que l’adaptation vidéoludique de l’exceptionnel animé Little Witch Academia.

Une décision pour le moins… contestable.

Editeur(s)
Bandai Namco
Sortie France
15 Mai 2018
PEGI
+7 ans
Liens Site Officiel
Support de test PC

Un jour sans fin

Comment adapter un animé toujours en cours de diffusion (lui-même provenant d’un manga non terminé) en jeu-vidéo tout en proposant une intrigue originale et sans briser la continuité avec la suite à paraître ? Et comment ajouter à ces contraintes le fait d’incarner un protagoniste n’ayant strictement aucun pouvoir ?

Si la seule réponse qui vous vient en tête est de proposer un scénario à base de voyage dans le temps, vous devez être… l’un des développeurs du jeu. Et la suite risque de ne pas vous plaire.

Lorsque la licence a été confiée au studio, sans doute l’équipe s’est-elle arraché les cheveux pour tenter vainement de trouver la parade parfaite. Malheureusement, ils n’y sont pas parvenus et se sont donc contentés de l’une des idées les plus éculées du médium. Pourtant le voyage dans le temps, c’est la mort de l’imagination.

Vous incarnez donc Akko entre les deux seules saisons de l’animé. Cette dernière vit son dernier jour de cours avant les grandes vacances, heureuse de pouvoir enfin retrouver sa famille et de profiter d’un peu de répit.

Mais le lendemain matin, horreur : elle se réveille le même jour ! Rapidement, votre héroïne découvre une étrange porte dans la bibliothèque, qui mène jusqu’à la Chambre du Temps. Une fois à l’intérieur, elle n’est plus soumise au sortilège et se souvient donc des événements déjà vécus. Accompagnée de ses amies, Akko va tenter de percer les mystères de cette pièce secrète et de lever le sort qui s’abat sur Luna Nova.

D’un point de vue scénaristique, Little Witch Academia: Chamber of Time est proche du carnage total et absolu. Rien ne va. Non seulement son intrigue est capillotractée, manque clairement d’originalité et enchaîne les poncifs maintes fois éculés ; mais en prime le jeu ne parvient même pas à remplir ses objectifs et brise totalement la continuité avec l’animé.

Car, et là est le principal problème, Akko n’est pas la seule à se souvenir. Toutes ses camarades de classes, qui se joignent au fur et à mesure aux péripéties, ne peuvent simplement pas oublier l’avoir vu jeter des boules de feux et sauver l’académie d’un cataclysme.

Nonobstant cette incohérence crasse avec son matériau d’origine et une histoire soporifique, il faut tout souligner une certaine qualité dans l’écriture des dialogues. Les différentes personnalités des protagonistes sont toutes respectées, de même que leur manière de s’exprimer.

Quel dommage que le concept du jeu vous contraigne à devoir subir ces fameux dialogues en boucle, jour après jour, tel le supplice de Tantale. Les différences sont infimes, au point que vous allez rapidement prendre le pli de tout simplement passer l’intégralité des textes… quitte à manquer une information pourtant vitale pour progresser.

Pourtant, tout partait si bien…

Dès les premières secondes, Little Witch Academia: Chamber of Time vous accueille dans une ambiance qui est, à l’identique, celle de l’animé. Visuellement, le cel-shading est d’une qualité rare et bien en avance sur les productions similaires de la même époque.

Que ce soit en termes de dessins, de décors ou d’animations ; le titre s’approche dangereusement de la perfection ou, à minima, de ce que tout fan attend d’une adaptation réussie.

Les cinématiques ne sont pas en reste et semblent sortir des épisodes de l’animé. Et il en va de même concernant la mise en scène des dialogues. Fini les personnages statiques et inexpressifs, Little Witch Academia: Chamber of Time regorge de vie et d’émotions.

Cerise sur le gâteau, l’ambiance sonore est au diapason de son aspect graphique. Les musiques sont celles de l’animé, et l’intégralité du casting vocal nippon est également de la partie. On regrettera, sur ce point, peut-être l’absence de VF qui aurait propulsé le titre vers les sommets… du moins si le cœur du jeu, à savoir son gameplay, n’était pas une insulte pure et simple au médium.

Quelle fumisterie

Little Witch Academia: Chamber of Time est sorti en 2018. En deux-mille-dix-huit. Pourtant, nonobstant tous les points positifs cités plus haut, manette en main vous avez l’impression d’être revenue dans un passé lointain et ténébreux. Une époque où des mécaniques aujourd’hui banales n’avaient pas encore été inventées, où le divertissement se contentait du strict minimum sans jamais chercher à innover.

Par où commencer ?

Sans doute par l’absence remarquée (et remarquable, il faut tout de même le souligner) de journal de quêtes, pardis ! Dans un RPG ! En 2018 !

Lorsqu’un PNJ vous confie une tâche, qu’elle soit principale ou secondaire, il n’existe strictement aucune manière de la retrouver ou de consulter sa progression… sinon en retournant voir ledit personnage.

Et les quêtes secondaires sont nombreuses. Très nombreuses. Et parfois assez longues et retorses, vous contraignant à de multiples allers-retours sans la moindre petite indication… dans un temps limité !

Car le fun ne s’arrête pas là : conscient de la diégèse de son projet, le studio a eu la brillante idée de « rebooter » l’intégralité du jeu au début de chaque nouvelle journée. Y compris les quêtes, qu’elles soient terminées ou non.

Impossible donc, sinon à tenir un journal de bord à l’aide d’un carnet et d’un stylo, de s’y retrouver. En 2018.

Mais la fumisterie ne s’arrête pas là, puisque l’intégralité des protagonistes secondaires revivent également en boucle les mêmes séquences, sans la moindre petite différence. Que ce soit dans leurs déplacements, dialogues, échanges ou quêtes ; absolument tout est à refaire au début de chaque journée.

Corollaire logique, il est parfaitement possible, soluce en main, de terminer cette « phase » en une grosse demi-heure.

Et dire que je n’ai pas encore abordé le pire…

Car Little Witch Academia: Chamber of Time n’est pas seulement un jeu d’aventure au sein de Luna Nova. Le titre a la prétention de vouloir proposer en sus un gameplay hybride entre RPG et Beat’m’all.

Outre l’idée totalement saugrenue de faire un Street of Rage avec l’une des licences les plus mignonnes de tous les temps ; l’exécution est tout bonnement pitoyable. Oui, les développeurs sont parvenus à rater un Beat’m’all. En 2018. Alors que le genre existe littéralement depuis plus de 30 ans.

Et tout ceci, vous le devez à une maniabilité aux faux-airs d’Alpha mal dégrossie. Lors de vos explorations dans les donjons, par équipe de trois, vos héroïnes vont se battre contre des hordes de monstres au sein de divers tableaux à défilement horizontal. Ennemis et pièges s’enchaînent jusqu’à parvenir à un boss, vous permettant de boucler la zone et d’entamer la suivante.

Oui mais voilà : il est impossible de jeter vos sorts tout en vous déplaçant. Chaque attaque, logiquement à distance, doit de fait être anticipée pour espérer toucher sa cible.

Pis encore, les sauts. Tout comme pour vos attaques, vous ne pouvez tout simplement pas bondir tout en vous déplaçant. Là encore, l’anticipation est donc de mise pour ne pas tomber dans un trou ou simplement subir des dégâts.

Bien entendu, qui dit production bâclée induit fort logiquement des hitboxs aux fraises. Vos personnages vont régulièrement se prendre des dégâts venus de nulle part, heurter des pièges tout en étant à des kilomètres de ces derniers, ou simplement refuser de progresser vers le tableau suivant.

Ces phases étant indispensables pour venir à bout du jeu (et de votre patience), il est tout simplement impensable que quiconque ait pu sortir le titre dans cet état sans l’avoir testé au préalable.

Avant de conclure : si vous êtes à la recherche d’un JRPG impactant et diablement bien réalisé ayant pour thématique les boucles temporelles, je ne saurais que trop vous conseiller de lorgner du côté de Loop8: Summer of Gods.

J’aime

L

Des personnages respectueux de l’animé

L

Visuellement parfait

L

Le casting vocal et les musiques de l’animé

J’aime moins

K

Des boucles temporelles insupportables

K

Aucun sentiment de progression

K

Un scénario insipide

K

Pas de voix françaises

K

Un gameplay venu d’un âge sombre

K

Des phases Beat’m’all injouables

K

Pas de journal de quêtes