Initialement sorti en 2012 sur PC, le Visual Novel aux accents RPG « Long Live The Queen » arrive sur consoles dans une version au premier regard identique, mais pourtant si différente. Issue du studio Hanako Games (à qui on doit moult jeux du genre) et développé sur le célèbre logiciel gratuit Ren’Py, Long Live The Queen est la preuve que le talent ne se négocie tout simplement pas.

Plus qu’un simple portage

     Dès le lancement du jeu, j’ai été agréablement surpris de constater le travail effectué depuis la première sortie, en 2012. À l’occasion de ce portage console, les équipes d’Hanako Games ont mis les petits plats dans les grands en proposant une localisation intégrale de leur titre en cinq langues (dont le français).

   Et cette version française est loin d’être anecdotique. Je suis habitué, sur ce genre de productions, à être bien trop souvent confronté à une traduction effectuée via des logiciels automatisés et plus ou moins performants ; rendant l’expérience bancale, voire incompréhensible. Mais Long Live The Queen a bénéficié d’un tout autre traitement, offrant une localisation de qualité. Quelques rares fautes d’orthographe sont à déplorer, mais rien qui gêne réellement l’immersion dans son univers à la fois sombre et féerique.

     Si, visuellement, le jeu est le même ; on profite en plus d’images HD pour chaque fond d’écran. Le titre vous laisse libre de constater la différence en adoptant le style « classique » à tout moment depuis le menu. Certes trop peu nombreux, ces fonds d’écran ont le mérite d’être tous intégralement dessinés à la main dans un style manga de fort bel ouvrage.

     Il est également à notifier que cette version dispose de l’énorme mise à jour sortie en 2015, apportant son lot de corrections de bugs, de modifications, d’ajustements et de nouveaux contenus.

     Je regrette peut-être de ne guère avoir plus que cela pour cette version console. Quelques nouvelles options et choix, de nouvelles fins, des menus retravaillés ; auraient été un plus non négligeable et améliorant grandement l’expérience. Cependant, le titre d’Hanako Games est suffisamment généreux pour que ces griefs n’entachent en rien le plaisir, une fois manette en main.

Vis ma Vie de Princesse

     Long Live The Queen vous met dans la peau d’Elodie, princesse héritière du royaume de Nova. Alors âgée de 14 ans, son destin est de monter sur le trône une petite année plus tard. Mais ne devient pas Reine qui veut et, pour monter sur le trône, Elodie devra tout faire pour apprendre… quitte à se détruire moralement. Mais elle n’est pas seule à briguer

le titre et les complots seront nombreux.

     Durant l’intégralité du jeu se déroulant sur 40 semaines, un triptyque hebdomadaire d’actions vous sera proposé. La première d’entre elles concerne l’état émotionnel de votre héroïne. Cette dernière commence en pleine dépression marinée d’un soupçon de peur, suite au décès « accidentel » de sa mère. Il vous sera alors nécessaire de jouer – littéralement – avec ses émotions pour mieux arriver à vos fins.

     Représentées sous forme de curseurs divisés en quatre colonnes (Colère / Peur, Joie / Dépression, Détermination / Faiblesse, Stress / Solitude), ces émotions fluctuent au rythme des événements et de vos décisions ; les plus intenses ayant un impact sur les compétences qu’Elodie peut apprendre. Ainsi sera-t-il parfois judicieux d’augmenter la faiblesse et la peur de cette pauvre princesse, si d’aventure vous décidez de booster ses compétences en Foi.

     Pour jouer sur ses émotions, vous aurez donc plusieurs manières de procéder. Si les événements tiennent souvent de l’aléatoire (étant corollaires de décisions que vous devez prendre, mais également de vos succès et de vos échecs) ; le week-end, Elodie est libre de s’occuper comme elle l’entend. Vous aurez alors la possibilité de décider de ce qu’elle fera durant cette période. Partir discrètement du château ? Aller prier ? Visiter les cellules ? Participer à une réunion de la cour ? Discuter avec son père ou un quelconque invité ? 

     Vous pourrez tantôt jouer habilement sur son état émotionnel, tantôt débloquer de nouvelles informations concernant le scénario (et ainsi découvrir de nouvelles fins optionnelles, déjouer des complots, ou simplement apprécier des variations dans les événements).

     Le reste de la semaine, Elodie devra participer à des cours afin d’apprendre diverses compétences plus ou moins utiles. Et ces dernières sont nombreuses… Tellement, qu’il n’est tout simplement pas possible de les explorer en une seule et même partie.

     Divisées en quatre sous-groupes (Sociales, Physiques, Intellectuelles et Mystiques), elles-mêmes subdivisées en plusieurs autres ; chaque compétence pourra être améliorée au gré de ses études. Vous devrez choisir quelles matières étudier (deux par semaine maximum), vous permettant ainsi de devenir plus habile dans un domaine précis.

     Bien entendu, vos émotions joueront un rôle non négligeable sur vos apprentissages. Ainsi, lorsqu’Elodie est déprimée, son Allure Royale et son Discours se développeront moins vite. A contrario, sa joie l’aidera à les faire évoluer plus rapidement. Une détermination exemplaire sera nécessaire pour lui enseigner la magie, et la peur sera essentielle pour en faire une bonne prêtresse. 

     Je regrette cependant le manque de clarté dans ce système de bonus/malus, qui incite le joueur à sortir feuille et stylo et à prendre des notes pour réellement comprendre quelle émotion influe sur quelle compétence.

     Ces apprentissages aideront votre héroïne lors des situations exceptionnelles qu’elle vivra chaque semaine. Mais rien n’est linéaire, dans le monde de Long Live the Queen. Ainsi dans ma première partie, j’ai maximisé la Foi et la Souplesse, me permettant de découvrir des choses dissimulées ou de briller lors d’un bal.

     Mais a contrario, mon absence de points en agilité n’a pas permis à l’héritière d’éviter la morsure d’un serpent. Toutefois, au lieu de me pénaliser… j’ai ainsi pu découvrir qu’une amie proche disposait de pouvoirs magiques jusqu’alors tenus secrets. Pour au final perdre une guerre civile et finir dans la moiteur humide de mon propre cachot.

     Dans une autre, j’ai laissé la colère dicter son destin. Compétences martiales et stratégie militaire boostées à leur paroxysme, j’étais cette fois prêt à l’insurrection des rebelles… qui n’est jamais arrivée. Au lieu de cela, Elodie a tout simplement été empoisonnée.

     Et si, lors de ma première partie, j’étais tenté de suivre bêtement ces tendances et à élaborer le planning d’études en fonction des émotions prédominantes d’Elodie ; rapidement le jeu a pris une tournure tout autre, m’incitant à la modeler intérieurement, pour mieux déjouer les nombreux pièges qui pavent le chemin vers le trône.

Une excellente rejouabilité

     Pour peu que l’on se prenne au jeu, la fin de ma première aventure (comptez 2 ou 3h) n’est en réalité que le début. Et l’écran titre vous annonce immédiatement la couleur. Vous y trouverez en effet un menu répertoriant pléthore de contenus : les fins à débloquer, les morts à expérimenter, ainsi que les succès disponibles. 

   Et les possibilités sont nombreuses dans Long Live the Queen. Pour amener votre héritière sur le trône dans de bonnes conditions, il y aura autant d’événements que de semaines (donc 40), ces derniers étant à la fois déterminés par vos succès, vos échecs et vos choix. Aucune partie ne se ressemble et la frustration de voir Elodie périr lamentablement ne fait que renforcer votre désir de relancer encore une fois le jeu, jusqu’à finalement atteindre le Graal : le couronnement.

     Au regard du nombre de compétences et d’événements, il vous faudra de très, très nombreuses parties pour découvrir toutes les petites subtilités que le jeu recèle ; d’autant que chacune réserve son lot de surprises.

Un outil limité

     Tout n’est pas rose pour autant dans Long Live the Queen. L’amateur avisé de Visual Novel reconnaîtra immédiatement Ren’Py (le logiciel utilisé pour sa création) et comprendra alors que le jeu n’a guère mieux à offrir qu’une histoire complexe aux multiples embranchements.

   S’il est évident que l’équipe du studio Hanako Games le connaît par cœur, il n’en demeure pas moins que ce logiciel ne permet jamais d’amener le titre au-delà de ses limites techniques. On doit donc se contenter d’un gameplay minimaliste au possible, d’écrans aux allures de tableaux Excel et de choix non contextualisés.

     Cependant, certaines subtilités sont assez impressionnantes pour être notifiées. Comme cet ersatz de RPG que le titre propose via les compétences que peut apprendre Elodie, assez peu commun dans ce genre de jeu. De même, il est très plaisant de constater que, malgré un nombre impressionnant d’embranchements possibles, le jeu ne souffre jamais de la moindre incohérence. L’écriture est maîtrisée et aucun bug n’est à signaler.

     S’il n’en demeure pas moins très plaisant à jouer, ce Long Live the Queen est donc à réserver aux passionnés du genre ou, a contrario, aux néophytes découvrant les Visual Novel. 

J’aime

J’aime moins

L

Une énorme rejouabilité

L

Un scénario mature

L

Une traduction française de qualité

L

Plus qu’un simple Visual Novel

K

Très peu de fonds d’écran différents

K

Un système de compétences parfois obscur

K

Les limitations du gameplay