Monster est l’adaptation animée du manga éponyme de Naoki Urasawa. Produit par Madhouse, il se compose de 74 épisodes. Diffusé en Février 2006 en France, il est accessible sur Prime.
La réputation du Dr Kenzô Tenma est mondiale. Il accomplit des miracles dans des situations critiques. Grâce à sa dextérité, il est promis à un poste plus important au sein de l’hôpital où il travaille et s’est fiancé avec la fille du directeur.
Un bel avenir se dessine devant lui, toutefois, Tenma dispose de vraies valeurs morales et constate la corruption qui émerge autour de lui. Privilégier tel patient plutôt qu’un autre selon son statut, son salaire. Il recueille la détresse de ceux qui ont perdu des êtres chers, morts parce qu’une sommité leur est passée devant.
Rapidement, le Dr Tenma se trouve confronté à un nouveau choix : sauver Johan Liebert, un enfant qui s’est pris une balle dans la tête, ou un politicien véreux. Bien que les ordres soient clairs : il doit sauver le second ; le médecin choisit d’intervenir en faveur de l’enfant. Tenma ignore alors qu’il est en train de sauver la vie du Monstre…
Johan Liebert est un tueur en série. Il a massacré de nombreuses personnes en dépit de son jeune âge. C’est lui qui a demandé à sa sœur jumelle de lui tirer une balle dans la tête ; cet acte a généré en elle un nouveau traumatisme. Les petits jumeaux sont donc admis à l’hôpital, Anna en état de choc qui ne cesse de répéter le mot « Tuer » et Johan avec sa balle dans la tête que le Dr Tenma extrait brillamment.
Qui pourrait soupçonner Johan ? Ce n’est qu’un enfant après tout. De fait, quand il empoisonne le directeur de l’hôpital ainsi que plusieurs médecins à l’aide de bonbons, Tenma est accusé. De surcroît, le neurochirurgien se trouve régulièrement sur les scènes de crimes de Johan, ce qui renforce sa culpabilité aux yeux des forces de l’ordre, principalement ceux du commissaire Runge du BKA. Il développe une obsession pour Tenma, convaincu que ce dernier souffre d’un TDI, que Johan est sa deuxième personnalité : celle de son monstre intérieur. Runge est fascinant, tapote ses doigts méthodiquement pour déclencher une mémorisation mnémotechnique, une manière d’enregistrer toutes les informations à sa portée.
Eva, qui a vu Johan, pourrait prouver son existence ; mais elle préfère accuser Tenma pour le punir d’avoir rompu leurs fiançailles. Elle est le seul témoin encore en vie capable de l’innocenter, tous les gêneurs étant supprimés rapidement. Si Eva est mise de côté dans les plans de Johan, c’est parce qu’elle n’est pas considérée comme une menace, noyant son chagrin dans l’alcool.
Tenma réalise à quel point Johan est dangereux. Ce jeune homme à la beauté angélique inspire immédiatement confiance, manipule ses victimes et les pousse soit au suicide, soit au meurtre. Il éveille ce qu’il y a de plus obscur dans le cœur humain. Il est capable de provoquer une hécatombe par sa seule présence, incitant les gens à s’entretuer, comme ce fut le cas au Kinderheim 511. Sa voix envoûte ses victimes qui lui destinent rapidement une forme de dulie extrême.
Johan est considéré comme le nouveau Hitler chez l’extrême droite, tandis que toutes les autres personnes qu’il croise le comparent à un Ange. Johan reçoit leur adulation révérencieuse sans en retirer le moindre orgueil, car telle n’est pas sa personnalité. C’est avant tout un garçon brisé à cause de Bonaparta et les horreurs vécues au Kinderheim 511.
Bien sûr, Johan et sa sœur Anna/Nina sont radicalement différents. Ce qui soulève des questions pertinentes. Est-ce qu’un nom peut tout changer ? La réponse est oui, car alors, on existe pour quelqu’un. Sans prénom, qui sommes-nous ? Anna démontre qu’en dépit des horreurs, elle a réussi à les surmonter en recueillant certains mots que son frère aurait dû également entendre. Peut-être que leur futur aurait pu être plus doux ? Les mots ont un réel pouvoir et peuvent détruire comme guérir celui qui les reçoit.
Le Dr Kenzô Tenma va traquer Johan, s’endurcir, se confronter à ses convictions profondes dans l’objectif de le tuer. Lui, l’humaniste qui essaie de sauver chaque vie, doit se résoudre à en supprimer une…
Pendant ce temps-là, Johan poursuit tranquillement ses massacres. De tous les génies du mal, il fait partie des plus fascinants, disposant d’une grande intelligence alliée à sa beauté angélique. Il exerce un magnétisme puissant qui lui permet d’atteindre tous ses objectifs sans faillir. Mais un Monstre le ronge en dedans : celui qui n’a pas de nom, comme dans le conte de Franz Bonaparta.
Johan ne souffre pas d’un TDI, c’est une obscurité abyssale qui le dévore. Bien qu’il soit l’antagoniste de cette histoire, pendant longtemps, Tenma reste sur le devant de la scène sans le croiser. Alors on attend cette confrontation avec avidité ; d’un côté, le meurtrier, de l’autre, le médecin qui lui a sauvé la vie mais doit l’arrêter à tout prix.
Tenma suit un entraînement spécial pour affronter Johan. Il se promet de tuer celui qu’il a sauvé et qui, en retour, fauche d’innombrables vies. C’est un dilemme en soi : en tant que médecin il doit sauver des vies, mais en le laissant vivre, Johann poursuivra ses massacres de masse encore et encore.
Cette enquête débute en 1986 à Düsseldorf et se prolonge sur de nombreuses années. Tous les personnages secondaires constituent ensemble une toile de fond d’envergure. Certaines histoires qui semblent anecdotiques ont en réalité beaucoup d’importance ; et cette révélation vient frapper les spectateurs beaucoup plus tard.
Monster est un chef-d’œuvre de l’animation. Profond, disposant d’un scénario fouillé, de personnages à la psychologie très soignée ; ses thématiques interpellent et happent instantanément le spectateur. Guillermo del Toro a même travaillé sur un futur live-action, mais l’épisode pilote n’a pas été retenu par HBO. Peut-être que ce projet était trop complexe à mettre en œuvre au risque de décevoir les fans inconditionnels ? Takeshi Kaneshiro devait incarner Tenma et Louis Hoffman, Johan. Un choix qui me paraît tout à fait probant, les deux acteurs ayant largement fait leurs preuves. Guillermo n’abandonne pas ce projet pour autant et espère qu’il verra le jour sur une autre chaîne.
L’anime Monster dispose d’une excellente VF. Sorti en 2004 au Japon, il vieillit superbement. Sa narration est son point le plus fort, couplé à ses personnages tellement uniques. Naoki Urasawa a un talent inné pour diversifier ses protagonistes, et ce, dans chacun de ses univers.
Monster aborde des thèmes très durs, notamment l’expérimentation humaine dans un orphelinat en Allemagne, le Kinderheim 511. Si ce dernier n’a pas réellement existé, le Kinderheim de Torgau, si… Les enfants subissaient des abus de toutes sortes, aussi bien intimes que physiques et moraux ; drogués sous médicaments, ils subissaient un lavage de cerveau terrifiant. C’est certainement ce « camp de rééducation » qui a inspiré le Kinderheim 511 en abordant l’altération des souvenirs de ses victimes.
Tous les personnages sont travaillés. Kenzo Tenma est l’archétype de l’homme juste qui n’écoute que sa moralité pour demeurer intègre. Il est profondément bon. Traqué par la police allemande, il doit se cacher et beaucoup voyager pour accomplir sa mission.
J’aime beaucoup Grimmer. Il m’a arraché quelques larmes, son histoire est très émouvante. Le commissaire Runge du BKA, même s’il se trompe d’adversaire pendant un bon moment, raisonne de manière passionnante. Johan demeure mon personnage fétiche, bien entendu.
Le format de 74 épisodes rebute certains ; très honnêtement, l’anime suit fidèlement le manga et on ne les voit pas passer. Les musiques collent idéalement, l’opening est juste parfait, tout comme l’ending. Excellent doublage VF comme je le stipulais plus haut. Tahic Mehani est très investi dans son rôle de Kenzo Tenma. Fait très surprenant : la voix sublime de Johan Liebert appartient à Sébastien Desjours que vous connaissez tous en tant que… Bob l’éponge ! La première fois que je l’ai appris, j’ai vérifié partout, je n’arrivais pas à y croire ! On peut donc saluer son talent de comédien de doublage !
Karine Foviau excelle dans le doublage de Nina, les trémolos modulant son texte avec émotion. Ariane Deviègue incarne Eva à la perfection, toutes ses intonations hautaines et ses répliques d’ivrogne attestent une performance de haut niveau ! Barnard Alane est fondamental dans son rôle de l’Inspecteur Rünge, méthodique, froid et réfléchi. Kevin Sommier joue bien le rôle de Dieter, avec ses cassures ; une voix ni trop enfantine ni trop adulte, un juste milieu pour ce personnage brisé.
Beaucoup d’autres comédiens excellent, doublent plusieurs personnages secondaires tout le long de l’animé, en s’adaptant au mieux. La qualité reste au rendez-vous jusqu’à la fin.
Un bon mangas
Une bonne analyse j’aimerais bien une suite sur le passé des jumeaux,
Je ne pense pas que Naoki Urasawa le prévoit, mais ça aurait été plaisant à découvrir !