Résilience est une œuvre ambitieuse et profondément marquée par les enjeux de notre époque. Située dans un futur dystopique, cette bande dessinée se penche sur un monde en perdition, où l’agriculture intensive a détruit les sols et où les grandes multinationales contrôlent l’ensemble des ressources alimentaires. Pourtant, au milieu de cet univers dévasté, un groupe clandestin baptisé « Résilience » s’efforce de redonner vie à la planète et à ses habitants. À travers une narration immersive et des visuels frappants, Augustin Lebon interroge non seulement notre rapport à la nature, mais également nos responsabilités en tant que citoyens.

Mais cette œuvre se contente-t-elle d’être une simple mise en garde écologique ? Ou parvient-elle à marier réflexion, émotion et plaisir de lecture ?

Là où les champs se meurent, là où l’humanité s’accroche

L’histoire de Résilience repose sur un constat glaçant : la Terre, exploitée jusqu’à la moelle par l’agriculture industrielle, n’est plus qu’un désert de monocultures stériles. Les grandes entreprises agroalimentaires, à coups d’OGM brevetés et de pesticides, ont réduit l’agriculture à une chaîne de production déshumanisée. Dans cet univers, tout est contrôlé, de la semence à l’assiette. Les fermiers sont devenus des ouvriers soumis à des multinationales toutes-puissantes.

Face à cette mainmise totale, un groupe de résistants décide de prendre les choses en main. Résilience, ce réseau clandestin, redécouvre les méthodes agricoles ancestrales et distribue des semences naturelles. Leur but n’est pas seulement de cultiver la terre, mais aussi de restaurer un lien profond entre l’homme et son environnement. Ils œuvrent en secret, semant les graines d’une révolution silencieuse, et tentent de recréer des écosystèmes résilients.

Au cœur de ce récit se trouvent des personnages aussi complexes que le monde qu’ils habitent. Adam, le personnage principal, incarne la lutte de Résilience. Agriculteur devenu activiste, il est tiraillé entre son engagement pour une cause globale et sa responsabilité envers ses proches. Ce conflit interne rend son personnage profondément humain. On le voit parfois douter, hésiter, mais toujours se relever et poursuivre sa mission.

Agnès, quant à elle, apporte une perspective différente. Son pragmatisme et sa méfiance envers le romantisme d’Adam créent des tensions et des débats qui enrichissent l’histoire. Elle pose les questions difficiles : jusqu’où peut-on aller pour défendre une cause juste ? Peut-on sacrifier le présent pour espérer un futur meilleur ?

Les personnages secondaires, bien que parfois moins développés, servent de miroirs aux héros principaux. Ils permettent d’explorer diverses réactions face à la crise écologique, des paysans résignés aux agents des multinationales qui ne voient pas d’autre chemin que celui de l’ordre établi.

Une narration visuelle immersive

Ce qui frappe immédiatement dans Résilience, c’est l’immense soin apporté à la direction artistique. Augustin Lebon utilise le dessin non pas simplement comme un moyen d’illustrer le récit, mais comme une véritable extension de la narration. Chaque planche regorge de détails qui enrichissent l’histoire.

Les décors, qu’il s’agisse des plaines désertiques, des forêts ravagées ou des installations industrielles, racontent une histoire en eux-mêmes. Ces paysages deviennent des personnages à part entière, témoins silencieux d’un monde en ruine. Les teintes froides et métalliques dominent, renforçant l’atmosphère oppressante, mais des éclats de verdure et de lumière apparaissent çà et là, symbolisant l’espoir fragile que porte Résilience.

Le choix des couleurs est tout aussi marquant. Les tons froids et désaturés instaurent une ambiance pesante, tandis que des touches de vert et de jaune apparaissent dans les moments où l’espoir refait surface. Cette dualité entre désolation et renaissance est parfaitement maîtrisée, offrant au lecteur une expérience visuelle qui amplifie le propos écologique de l’œuvre.

Une réflexion écologique au cœur du récit

Au-delà de son histoire captivante, Résilience est avant tout une réflexion sur nos propres choix. L’agriculture industrielle, les brevets sur le vivant, la destruction des sols, et la dépendance croissante aux produits chimiques ne sont pas de la science-fiction : ce sont des enjeux bien réels.

Cependant, l’œuvre ne se contente pas de pointer du doigt les problèmes. Elle propose une alternative. Les membres de Résilience redécouvrent des savoirs oubliés, cultivent des plantes robustes et non modifiées, et montrent qu’il est possible de revenir à un mode de vie plus respectueux de la planète. Ce retour aux sources n’est pas idéalisé : il est présenté comme une lutte difficile, semée d’embûches, mais également porteuse d’espoir.

L’un des grands atouts de Résilience, c’est son équilibre entre le fond et la forme. Bien qu’elle aborde des questions éminemment politiques et écologiques, la bande dessinée ne tombe jamais dans le prêche. Elle laisse au lecteur le soin de tirer ses propres conclusions.

En se concentrant avant tout sur ses personnages et leur combat, Augustin Lebon réussit à transmettre son message de manière subtile et convaincante. Le lecteur s’attache à Adam, partage ses doutes et ses victoires, et, ce faisant, commence à se poser des questions sur son propre mode de vie. C’est cette approche humaine et intime qui donne à l’œuvre toute sa force.

J’aime

L

Une direction artistique exceptionnelle

L

Des personnages crédibles et attachants

L

Un équilibre parfait entre engagement et plaisir de lecture

J’aime moins

K

Un rythme inégal

K

Des personnages secondaires parfois trop peu développés

K

Un message parfois trop subtil