Test de Farrel

     Cinquième épisode de la légendaire saga de J-RPG des Tales of, Tales of Symphonia a été en 2004 le tout premier opus à arriver chez nous. Et si les joueurs américains ont déjà pu découvrir la série via Tales of Destiny en 1997, pour nous autres petits Français, la licence est restée jusqu’alors inconnue.

     Véritable monument du genre, il est régulièrement cité parmi les amateurs comme étant le meilleur de toute la saga. Et si j’aurais bien des choses à redire quant à cette affirmation (Grace F et Xillia méritant, selon moi, également de prétendre à ce titre) ; force est de constater que le jeu dispose de solides arguments encore aujourd’hui.

     Il est grand temps de parler d’un classique, d’un jeu unique qui a su changer à tout jamais le visage de nos consoles et du marché français dans son ensemble. 

La Symphonie des mondes

     Cinquième opus d’une saga en comptant dix-huit à ce jour, Tales of Symphonia est sans doute l’épisode qui a apporté le plus de changements au sein de la licence.

     Vous y incarnez Lloyd, jeune épéiste de Sylvarant. Le monde est en proie au chaos et, si la Déesse Martel n’est pas réveillée, il dépérira. Colette Brunel, amie d’enfance de notre héros, est l’Élue. Afin d’épargner la vie des mortels, elle va

entreprendre un périple qui la transformera en ange dans le but de régénérer le monde.

     Car Sylvarant est depuis fort longtemps souillé par les Désians, une faction armée responsable d’exactions… que je ne peux décrire ici. Comme souvent dans les grands J-RPG, il est difficile de trouver la frontière entre scénario et spoil, tant les événements et les plots-twists sont nombreux. Je me contenterai d’expliciter le fait que deux nations se livrent une guerre : Tesseha’lla et Sylvarant, que vos héros vont parcourir dans l’optique de les sauver. Que les surprises et révélations sont dignes des meilleures histoires jamais écrites !

     Faire et refaire Tales of Symphonia est systématiquement un plaisir sans bornes. La narration est maîtrisée, les retournements de situation constants.

     Si, au début, le titre semble relativement banal, le génie des développeurs s’ancre dans le fait qu’ils ne se reposent jamais sur leurs acquis. Jusqu’à la toute fin (et même au-delà), les révélations s’enchaînent et ce n’est qu’au prisme d’une seconde (ou, dans mon cas, d’une troisième) partie que l’ensemble des clés de compréhension se débloquent réellement.

     Précision cependant : je ne dis pas qu’il faut faire le jeu plusieurs fois pour le

comprendre, non. Une partie suffit amplement. Mais une fois les révélations données, vous découvrirez l’intégralité du scénario sous un nouveau jour et, de fait, l’intrigue change du tout au tout. Un passage vous semblait insignifiant ? Il est en réalité crucial. Une scène a fait fondre vos petits cœurs devant une mièvrerie doucereuse ? Elle est finalement sinistre et malsaine. Un protagoniste apparaissait comme détestable ? Ses choix s’avèrent finalement totalement logiques et justifiés.

     Qu’on se le dise : sur un plan purement scénaristique, Tales of Symphonia est un chef-d’œuvre. Ni plus. Ni moins. 

Les clefs du rétrogaming

     Maintenant, que reste-t-il de l’expérience Tales of Symphonia après 20 ans ? Malheureusement, peu de choses. Car contrairement à l’histoire, tout le reste a diablement mal vieilli.

     La saga n’a, depuis son premier opus, jamais réellement cherché à se transcender, se contentant d’apporter des améliorations de-ci de-là sans réinventer la roue.

     Les habitués des Tales of seront en terrain conquis. Les fans de la première heure, aux anges de pouvoir retrouver un opus légendaire ; ceux ayant commencé avec l’un des treize opus plus récents et les nouveaux arrivants n’y trouveront cependant certainement pas leur compte.

     D’une rigidité incroyable, techniquement dépassé, souffrant d’un gameplay hasardeux et de mécaniques d’un autre âge, Tales of Symphonia est un véritable jeu rétro… dans son acception la plus péjorative.

     Et s’il a si mal vieilli, c’est avant tout car c’est le premier à proposer des arènes de combat en 3D. Il souffre donc irrémédiablement d’un système qui se cherche, qui tâtonne encore, sans jamais parvenir à trouver une formule fonctionnelle.

     Cet écueil, on peut également l’imputer à la structure même du titre. Si en 2004 cette dernière s’avérait riche et novatrice ; en 2023, elle est finalement

d’une banalité fade et consensuelle. Certes, nous lui devons tout et il faut traiter le jeu avec tous les égards qu’il mérite… Mais je ne peux malgré tout passer sous silence l’ensemble des problèmes inhérents à ce genre de productions. Surtout à notre époque. Surtout dans un marché aussi concurrentiel.

     Et surtout, car je n’ai pas encore réellement traité le cœur du problème…

Le Portage du Portage du Remastered du Portage

     Maintenant que j’ai rendu hommage au titre comme il se doit, il est temps de parler de ce qui pourrait sans peine passer à minima pour une hérésie sans bornes, au pire pour une arnaque pure et simple. 

     En effet, Tales of Symphonia est un jeu GameCube sorti initialement au Japon en 2003. En 2004, le titre a droit à une version PlayStation 2 exclusive au pays du soleil levant apportant son lot d’améliorations et de contenus. Puis il revient

en 2013 dans une version Chronicles sur PlayStation 3, en 2016 sur PC… et enfin en 2023 dans cette version actuelle.

     Et c’est là que plus aucune excuse ni justification n’est possible. Il y a tromperie sur la marchandise. Tales of Symphonia Remastered version 2023… n’est autre que Tales of Symphonia Chronicles amputé de la moitié de son contenu. 

     Car la version 2013, non contente d’apporter des améliorations HD, un niveau de difficulté plus corsé et quelques bonus supplémentaires… était aussi garnie du second opus : Dawn of the New World, sorti en 2008 sur Wii.

     Certainement l’un des titres les plus décriés de la série peut-être, mais qui avait le mérite d’être présent également dans une version HD retravaillée.

     Pis encore, l’éditeur avait sorti également en 2015 sur PlayStation 3 une compilation regroupant les deux titres… ainsi que le remaster de Grace F… Au même prix que celui qui vous intéresse aujourd’hui !

     Namco Bandai a donc fait le choix de scinder un jeu vieux de dix ans pour le revendre strictement dans le même état sur les consoles modernes et au prix fort.

     Et si seulement il y avait eu ne serait-ce qu’un tant soit peu de travail… Déjà à l’époque, le remaster de Tales of Symphonia avait été décrié pour ses méthodes relativement discutables. 

     En effet, les textures de la version HD ont été retravaillées automatiquement via une intelligence artificielle, retirant bien des détails au profit d’un lissage pauvre et sans âme. Les contours des personnages, donnant son charme cartoon au titre d’origine, ont tout simplement disparu, la seule « amélioration » notable étant du rouge à lèvres ajouté au modèle du personnage de Colette… et le pire est à venir.

     Sur GameCube, soit il y a tout juste vingt ans, Tales of Symphonia tournait en soixante images par seconde. Sur sa version « moderne », il peine à atteindre les trente. Et c’est toujours strictement la même chose dans ce remaster de 2023.

     Oui. Vous êtes littéralement en présence d’un jeu scrupuleusement identique à une version PlayStation 3 et qui tourne moins bien que sur GameCube.

     Il est malheureux de constater comment Namco Bandai choisit de sacrifier l’un des opus les plus appréciés de la saga sur l’autel du profit rapide et sans effort, quitte à s’attirer l’ire des joueurs. La décence la plus élémentaire les aurait à minima poussés à nous offrir Dawn of the New World et Grace F dans une nouvelle compilation, ou à un prix plus attractif. Mais en l’état, nul n’y trouvera son compte.

J’aime

J’aime moins

L

Malgré tout l'un des meilleurs Tales of

K

Une version PS3 sans aucune amélioration