Test de Farrel

     Bramble: The Mountain King est une aventure narrative horrifique inspirée de la mythologie scandinave, le deuxième jeu des Suédois de Dimfrost Studio, sorti le 27 avril 2023 sur toutes les plateformes modernes.

     Laissez-moi vous parler d’une aventure incroyable qui mériterait d’être nominée aux Games Awards…

Hansel et Gretel en Enfer

     Dans Bramble, vous incarnez un jeune garçon qui se réveille par une belle nuit sans lune et découvre avec stupeur que sa sœur a visiblement décidé de faire une virée solitaire nocturne en forêt. Décidant de la suivre, Olle se retrouve rapidement pris dans un cauchemar sans fin, contraint de traverser la forêt et ses alentours afin de la sauver.

     Soyons tout à fait clairs : Bramble: The Mountain King est scénaristiquement une réussite absolue, une ode aux contes, aux mythes et aux légendes. C’est pourquoi je refuse obstinément de vous dévoiler quoi que ce soit de l’intrigue. Faites-le. C’est tout.

     Mais cela ne va pas pour autant m’empêcher de vous en parler, loin de là. La mise en scène est unique, en ce sens où aucun dialogue ne viendra interrompre votre aventure. Le titre n’est pas pour autant muet, puisque chaque événement est raconté par l’intermédiaire d’une narratrice. On peut s’émouvoir de quelques problèmes de traduction ici et là, notamment dans l’utilisation de certains mots désuets dont le sens ne semble pas totalement maîtrisé par l’équipe française. Cependant, il faut saluer une localisation d’une qualité fort rare dans le médium, conçue avec un soin tout particulier.

     Mais revenons à nos démons ! Dans Bramble, vous allez parcourir différents biomes, tous en rapport avec un mythe ou un conte scandinave. C’est là le principal attrait du titre, qui ose glisser sur des pentes pourtant bien glissantes sans crainte, toucher à des tabous vidéoludiques, sans pour autant vouloir à tout prix miser sur le gore ou le choquant.

     Alors oui, très clairement, Bramble n’est pas un jeu dont vous sortirez indemne s’il vous reste ne serait-ce qu’une once d’humanité ; et certains passages (dont un en particulier) étaient clairement dispensables… Pourtant, je peine à lui en tenir rigueur vu la qualité de l’ensemble.

     Il dépeint les contes et légendes sans prendre de gants, dans toute leur cruauté, et laisse un goût amer en bouche. Au point que la fin n’en est que plus impactante encore. Une réussite totale qui, bien que courte, donne envie de s’y replonger afin de découvrir s’il existe un moyen de changer le cours des choses.

L’art de montrer ou non les choses

     Si on ne prend en considération que la partie technique, Bramble est dans le haut du panier de ce qui se fait aujourd’hui. Sans pour autant être une claque de réalisme, surtout au niveau des modèles de personnages, les équipes de Dimfrost sont parvenues à créer des niveaux criants de vie, de beauté et de magie. Une ode aux contes que le jeu traite, entre onirisme et cauchemar.

     Avec une direction artistique de cette qualité, il est particulièrement ardu de voir ce qui se fait ailleurs sans éprouver une profonde déception. Bramble est beau. Incroyablement beau.

     Côté bande-son, vous êtes également en présence de ce qui se fait de mieux. Entre les envolées lyriques et les chants traditionnels, l’ambiance sonore sert tout autant la narration que les jeux de lumière et les graphismes.

     Mais il y a mieux encore.

     Bramble s’inspire grandement du cinéma pour vous proposer une mise en scène diablement qualitative, jouant avec une aisance déconcertante avec tous les codes de l’horreur. Il sait se réfréner dans sa démonstration de violence, laissant ainsi le cerveau du joueur combler les trous pour mieux exacerber cette angoisse inhérente au genre.

     Une franche réussite, constituée de plans de caméra habilement placés, de flous artistiques ne vous permettant pas immédiatement de comprendre ce qui vous fait face, de jeux d’ombres et de lumière, de variation de grain et de colorimétrie. Bramble est un excellent exemple sur la façon de jouer avec les codes du médium pour mieux instiller un sentiment au joueur.

… Mais est-ce toujours un jeu vidéo ?

     À ce stade du test, il est important de préciser que je considère Bramble: The Mountain King comme l’une des meilleures expériences vidéoludiques de ces dernières années. Cela étant posé, je vais pouvoir vous parler de ce qui m’a indubitablement le plus gêné dans le titre : le gameplay. Car il n’y a rien d’autre qui différencie le médium d’un autre. C’est ce qui en fait sa spécificité, son unicité. Et celui de Bramble est… passablement raté.

     Les développeurs de Dimfrost semblent avoir une connaissance sporadique et incomplète de la grammaire vidéoludique, ou ont cherché à s’en éloigner, à mon grand dam.

     Votre héros, Olle, est un jeune garçon faible et malingre ; pour ne pas dire cacochyme (ce qui est vaguement sous-entendu dans l’introduction). À cet égard, le moindre coup ou la moindre chute a raison de lui. Vous n’avez donc, tout au long de l’aventure, pas le droit à la moindre petite erreur. Par chance, les checkpoints automatiques sont nombreux et le jeu ne se montre jamais punitif, même dans ses phases les plus retorses.

     Pourtant, il manque de nombreux aspects à Bramble pour réellement le qualifier de « réussite ». Le premier, le plus simple à comprendre : la maniabilité est horrible. Bien que le titre soit relativement simple, il n’est pas rare de perdre à cause d’un saut mal exécuté, d’un demi-tour qui répond mal ou de l’impossibilité de comprendre ce que le jeu attend de vous à un moment précis.

     Car, et c’est là le second point, Bramble ne dispose d’aucun tutoriel. À aucun moment du jeu. Ni d’aucune indication pour vous aiguiller si d’aventure vous vous retrouvez bloqué.

     S’il est aisé de comprendre que ce choix a été adopté pour augmenter l’immersion du joueur, il manque le coche du langage vidéoludique ; suscitant parfois le sentiment d’un produit incomplet, surtout lorsque vous mourez en boucle ou avez l’impression que vos coups ne touchent pas les différents boss du jeu.

     Le principal problème arrive bien entendu lors des phases de boss, durant lesquelles il est souvent nécessaire de s’y reprendre à plusieurs fois avant de seulement comprendre comment leur infliger le moindre dégât ou esquiver leurs attaques.

     Oserais-je également parler de la visée avec votre arme de jet ? Totalement

imprécise, mue par une sensibilité trop importante et sans la moindre assistance ; c’est une tannée à la manette qui éprouvera vos nerfs à coup sûr.

     Enfin, l’exploration est malheureusement réduite à son strict minimum. Outre découvrir les différents livres de contes vous narrant les histoires originelles et quelques statuettes à collectionner, Bramble ne propose pas une once de divertissement et, par corollaire, pas la moindre rejouabilité.

     Oh, et il manque un bestiaire. Le lore est si riche et important qu’il aurait été de bon aloi d’ajouter dans les menus un moyen d’en retrouver l’origine et les sources.

J’aime

J’aime moins

L

Le scénario, vraiment impactant

L

La narration, puissante et parfaite

L

Les contes choisis

L

Des décors somptueux

K

Quelques rares problèmes de traduction

K

Un passage particulièrement difficile émotionnellement

K

Le gameplay minimaliste, pour ne pas dire raté