Test de Misha

     Bramble: The Mountain King est un conte horrifique qui puise son inspiration dans le folklore scandinave. Si vous souhaitez embarquer dans cette fabuleuse aventure, je tiens d’abord à vous avertir que ce jeu contient des séquences très dures, dont une en particulier… Vous voilà prévenus.

Les Enfants égarés

     L’histoire de Bramble démarre en pleine nuit. Olle vient de faire un cauchemar et cherche sa sœur, Lillemor, pour le réconforter. Seulement, cette dernière a disparu. Le petit garçon se rend rapidement compte qu’elle est sortie par la fenêtre. Il s’habille, s’enfonce dans la forêt afin de la retrouver…

     Au début, Olle trouve des Gnomes qui m’ont rappelé ceux du Danemark, c’est

une tradition liée au Hygge d’en fabriquer pendant les fêtes et de les suspendre. Oui, vous savez combien j’aime le Hygge !

     Le début du jeu est plutôt mignon, amène des petites énigmes comme retrouver les Gnomes cachés. En revanche, tout ce pan lumineux se brouille face au conte de fées qui nous est présenté : ce n’est pas parce que c’est du folklore que ça étincelle de paillettes, au contraire. On parle d’un vrai conte, pas d’un Disney. De fait, oui, c’est morbide. Et c’est cette ambivalence lumière ténèbres qui prévaut ici. La lumière filtrée à travers les yeux d’Olle qui découvre cette forêt sinistre, peuplée d’horreurs.

     Olle et Lillemor s’enfoncent plus profond dans la forêt, jusqu’à ce qu’une créature emporte la jeune fille dans son sac. Ce qui n’est pas sans rappeler le mythe du Krampus. D’ailleurs, j’ai retrouvé dans Bramble l’ambiance d’Erzähler de Farrel Grimwood.

     Les enfants n’ont pas de lignes de dialogue mais s’expriment par onomatopées. Une narratrice raconte leur histoire, ainsi que celle des effroyables créatures qu’Olle affronte en chemin, lorsqu’il ouvre leur livre dédié.

Sublime

     Deuxième jeu de Dimfrost, chef-d’œuvre en puissance. Pas seulement au niveau graphique qui joue brillamment avec la lumière, les textures, le mouvement… Tout est absolument sublime… La mise en scène qui joue avec les perspectives, nous fait passer de spectateur à entité qui traque Olle. Les couleurs sont chatoyantes, les jeux d’ombre maîtrisés. L’ambiance horrifique et sacrée, car c’est le terme, les créatures mises en scène sont ancestrales dans leur écrin

de sagesse et d’effroi ; imprègne ces territoires hostiles tout du long.

     Ce jeu a tout pour lui. Il requiert réflexion, dextérité et embarque le joueur au sein même de son conte qui en implante d’autres. Toutes les réactions sont vivantes, sonnent juste. Comme lorsqu’Olle a peur, il se recroqueville en marchant la tête basse, bras serrés. Il vomit lorsqu’il doit commettre un acte bien précis. Sans nul besoin de dialogue précis, on comprend la gravité de la situation et surtout ses émotions, extrêmement denses, trop pour son jeune âge. Il court doucement car c’est un enfant. Et c’est un paramètre qui a été pris en compte, il s’épuise, hésite, vibre de peur…

     Les illustrations dans les livres de contes sont magnifiques. Juste dommage que la caméra oscille à ce moment précis. Pas utile du tout. Olle ne vacille pas spécialement, donc ce n’est pas justifié.

La cruauté du Conte

     Bien que parfait, il n’en demeure pas moins qu’il y a une séquence en particulier qui m’a donné la nausée et m’a répugné de tout mon être. Le jeu nous explique qu’Olle doit se dépêcher de sauver le nourrisson avant que sa mère ne l’offre en sacrifice. Eh bien en fait… Non, il arrive quand même trop tard. Et Bramble montre tout… Le sac noué sur la tête, le petit corps inanimé dans la mare… Olle le récupère comme ça puis l’enterre en pleurant. Est-ce que

c’était utile d’en montrer autant ? Ils auraient dû le suggérer… C’était beaucoup trop cruel et violent…

     J’ai fouillé, persuadée qu’il y avait forcément une autre alternative, mais je n’ai rien trouvé de tel et cela m’attriste profondément…

Try again

     2 boss sont particulièrement retors. Je pense à Skogsrå et Peste. Il faut écouter les incantations de la première pour prédire quel sort elle va lancer. Bien évidemment, elle a 3 formes. Lorsque la marée inonde le terrain, il faut se cacher derrière les arbres. Et lorsque les ronces émergent, il faut s’en écarter. Trouver le bon timing pour projeter la lumière sur les 5 sacrifiés. D’abord sur le tronc externe des arbres, puis interne, là ça devient plus tendu…

     Peste est encore pire… Lorsqu’elle abat son râteau, il faut bien déterminer son passage pour sauter, et dans l’obscurité, ce n’est pas évident. Trouver le visage rempli de vers est simple, juste qu’il y a beaucoup plus de reflets dans la phase finale. Par contre, c’était assez surprenant le voir le visage de Peste surgir d’en bas pour manger Olle. Une manœuvre qui oblige nécessairement à recommencer, car c’est imprévisible la première fois.

     Le bruit du râteau qui crisse perdure pendant tout le combat… Et c’est long… Pour les oreilles… Quel Enfer !

     On meurt très facilement. Parfois, on pense être dans le bon angle, eh bien non. Et pas forcément durant les combats de boss. La caméra qui suit Olle quand il franchit un pont par exemple, un saut qui tombe à côté. Ce sont de petits détails mineurs, mais qui ont leur importance.

     Il faut un peu de patience, mais Bramble est munificent : en dehors des combats de boss (qui octroient une sauvegarde à chaque phase réussie), la majorité des séquences n’a pas besoin d’être répétée du début. Chaque petit triomphe compte. Ça c’est cool.

OST vibrante

     Une des grandes forces de Bramble réside dans son OST, intense, épique, sombre, vibrante, poignante… Tant d’accords qui se mélangent pour que l’horreur se pare de poésie, de beauté.

     J’ai vraiment voyagé et me suis surprise à laisser mon esprit vagabonder quand Olle ramait au milieu des nénuphars… Il y a une part contemplative plus

que bienvenue. Pas durant les phases d’action, bien sûr, mais elle est bien présente.

     La séquence du Roi de la Montagne quand il essaie de piquer Olle avec son couteau et sa fourchette sur sa table immense m’a happée. Les soubresauts, les débris, les accords dantesques qui subliment cet instant… La BO rend honneur à ce jeu d’exception.

Mise en scène incroyable

     Il y a des idées de mise en scène tellement incroyables ! Je le citais plus haut : lorsque la caméra suit Olle à la façon du prédateur qui traque sa proie… C’est très intelligent ! Et place le joueur non plus en tant qu’enfant mais en qualité d’entité de ce folklore encore trop méconnu. On vacille entre les frontières, qui sont délimitées par cette forêt qui nous englobe. Aussi bien Olle et Lillemor que toutes les autres créatures qui la peuplent.

     L’ombre du boucher que l’on aperçoit avant de découvrir la scène, une préparation mentale qui stimule l’imagination du joueur. Les draps des pendues qui ondulent dans le vent, terne et gris. C’est sublime.

     Les jeux d’ombre et de lumière, notamment dans la grotte, sont extrêmement réalistes.

     Ils ont pensé à moucheter de sang le corps d’Olle aux bons endroits, selon les interactions.

     On peut s’interroger sur l’histoire de cet enfant. Car après tout, on ne le voit pas s’habiller au tout début. Le plan part du bas de la fenêtre, en chemise de nuit, on le revoit vêtu de sa salopette à la seconde suivante. Comment a-t-il pu s’habiller si vite ? On peut l’interpréter comme une ellipse temporelle, amenée de manière singulière… Toutefois, durant son voyage, certaines séquences le présentent encore vêtu de sa chemise de nuit, ce qui m’intrigue. Est-il mort, est-ce un rêve ? Plusieurs séquences développent le deuil justement. La chemise de nuit, Olle qui est le seul être en couleur dans un monde gris. L’ascension. Les ronces du refus face à la lumière du sommet, sur lequel Lillemor l’attend.

     Les statuettes à la fin laissent entendre que tout cela s’est réellement produit. C’est la première lecture. Mais rien n’empêche de songer que ces statuettes étaient là avant, rangées ailleurs… L’interprétation est libre, j’aurais pu valider ce voyage, sauf qu’on ne voit jamais leur mère, ce qui m’interpelle.