Test de Farrel

     Une chose est certaine, le modeste studio de développement Soleil n’est guère connu pour ses succès fulgurants. Si l’entreprise composée d’anciens de la Team Ninja (à qui l’on doit entre autres les Ninja Gaiden) a débuté en trombe avec des titres tels que Naruto to Boruto: Shinobi Striker, elle a malheureusement attiré sur elle le désamour avec le dernier opus de Valkyrie Profile : Valkyrie Elysium.

     Cette fois-ci, le studio japonais revient avec un nouveau projet 100% original, j’ai nommé Wanted: Dead. Et si vous avez ne serait-ce qu’en partie suivi mes lives Twitch sur le titre, alors vous savez combien je transpire d’amour pour ce dernier.

     Et pourtant, le jeu a subi un véritable flot de critiques toutes plus terribles les unes que les autres. Qui est dans le vrai ? Un peu tout le monde, à dire vrai.

Back to the 90’s

     Wanted: Dead vous met dans la peau d’Hannah, une criminelle de guerre condamnée à perpétuité. Les autorités lui proposent un marché : entrer au sein de l’unité Zombie, une unité d’élite de la police hongkongaise. Véritable Suicide Squad à qui ne sont confiés que les missions les plus périlleuses, la fine équipe n’est composée que de vétérans au lourd passé, de criminels totalement barrés, de va-t-en-guerre absolument flingués du bulbe.

     Au sein de cette famille d’adoption assez spéciale, Hannah trouve sa place et commence à se reconstruire… jusqu’au jour où les siens sont menacés. Au cours d’une mission de routine, les Zombies se heurtent à des secrets dissimulés par la multinationale qui les finance.

     Les jours de l’équipe sont donc comptés avec, à la clef, un billet de retour en prison pour chacun d’entre eux. Mais Hannah et ses frères d’armes sont bien décidés à ne pas se laisser faire.

     De mémoire, jamais je n’ai pris autant de temps pour détailler le pitch de base d’un jeu, tout en prenant soin d’éviter le moindre spoil. Et pour cause : le scénario est un véritable hommage aux films hard boiled hongkongais. Avec ses personnages trash et sans concessions, son intrigue de trahison et de complots, ainsi que ses péripéties débridées, Wanted: Dead vous entraîne dans une histoire riche, intense et sacrément bordélique.

 

   Écrite comme un polar d’action, l’histoire principale se laisse suivre avec une certaine délectation et ne dissimule jamais ses inspirations ; que ce soit dans le cinéma hongkongais, Blade Runner ou Cyberpunk 2077.

     Les thématiques ainsi traitées sont tout autant profondes que surprenantes, allant de l’acceptation des autres malgré leurs différences en passant par le transhumanisme, l’intelligence artificielle ou encore le pouvoir des Trusts avec 

une bonne dose de critique du néo-capitalisme sous-jacent. 

Et pourtant, la force de Wanted: Dead demeure bien dans le fait de ne jamais, oh grand jamais, se pavaner avec de faux airs d’intrigues grandiloquentes et pompeuses. On est avant tout ici pour chier du sang en affrontant des hordes d’ennemis. Et ça, l’équipe de Soleil l’a bien compris.

     Pourtant, pour qui s’investit réellement dans le cœur du scénario, la surprise n’est que plus belle : les différentes notes trouvables au gré des niveaux ajoutent une bonne profondeur au lore. La narration est claire et simple, sans jamais prendre son spectateur pour un demeuré.

     Entre chaque mission, votre équipe se repose au sein du commissariat. Ce hub central sert de base dans laquelle vous pouvez vous essayer à divers mini-jeux, discuter avec vos collègues ou encore modifier et améliorer votre équipement.

     En d’autres termes, prendre un repos bien mérité avant que ne se déchaînent les feux de l’enfer. Parce que oui, Wanted: Dead est bien…

Le successeur de Ninja Gaiden

    Le roi est mort, vive le roi ! Si la Team Ninja a essayé à plusieurs reprises de me faire revivre le frisson Ninja Gaiden, force est de constater qu’ils n’y sont jamais réellement parvenus. Que ce soit via Strangers of Paradise: Final Fantasy Origins ou Nioh, on se rapproche systématiquement plus d’un Soulborne que d’un Ninja Gaiden-like.

    Et désormais les choses sont claires : les talents sont visiblement tous partis

chez Soleil. Ici, je vais vous parler Gameplay, Level Design… mais surtout émotions, sensations, haine profonde et joie exaltée ; le tout se mélangeant en un maelström bouillonnant. Ici, je vais vous parler de tout ce qui faisait de Ninja Gaiden en son temps, la série la plus difficile de l’histoire du jeu-vidéo.

Dark Souls ? Elden Ring ? Faites-moi rire. Grand amateur de From Software devant l’éternel, je dois avouer aujourd’hui une bien triste réalité. Ni Dark Souls 3, ni Bloodborne ou encore Elden Ring ne m’ont jamais rapproché des sensations uniques apportées par Ninja Gaiden.

     Si les deux sagas sont connues pour leur difficulté légendaire, on pourrait plus rapprocher les Soulbornes d’un grabataire arthritique, et les Gaiden d’une lutte exaltée et désespérée en super vitesse.

   Alors pourquoi une telle introduction à cette partie ? Eh bien… tout simplement parce que Wanted: Dead  a parfaitement compris cela. Jamais vous n’aurez ni le sentiment ni l’impression de jouer à un soul-like, non. Mais

toujours reviendront les réflexes et l’exaltation d’un Gaiden.

     Maintenant que cette mise au point est faite, passons au cœur de ce qui vous intéresse réellement. Parlons enfin du gameplay.

     Wanted: Dead se présente donc comme un TPS classique au premier abord. Vous y incarnez Hannah, armée d’un fusil d’assaut, d’un katana et d’un pistolet ; généralement accompagnée d’un ou plusieurs compagnons.

     Contrairement à d’autres productions, le jeu ne s’encombre pas de détails et ne souhaite jamais vous en mettre plein les yeux. Hannah ne dispose que de deux combos au corps à corps et d’un nombre de coups très limité. À distance, vous êtes libre de vous servir de votre fusil d’assaut et de votre pistolet, ainsi que de toute arme que vous pouvez ramasser sur le chemin (lance-grenade, uzi… mais surtout tronçonneuse).

     Pour vous défendre, vous avez à disposition une parade et une esquive. Et pour compléter votre panel, des grenades et des trousses de soins en nombres limités (trois de chaque).

     Bien entendu, vous pouvez améliorer ou débloquer quelques mouvements supplémentaires ou des ressources (deux grenades et une trousse de soins) au gré de votre aventure ; mais rien qui ne transforme jamais le gameplay principal.

     Et pour cause. Wanted: Dead joue la carte du “Easy to learn, hard to master”. Tout comme…. Ninja Gaiden, justement. Et si l’amateur de beat’em all trouvera

ces choix discutables, les habitués de “Fast-TPS” n’en seront que conquis.

     Car oui, il est très difficile de trouver une catégorie précise pour ce Wanted: Dead. Certes, vous pouvez tirer à distance et vous mettre à couvert, mais le jeu n’est en rien un TPS. Évidemment, vous pouvez attaquer au corps à corps, mais là encore nous sommes très loin des poncifs usuels des beat’em all.

     Il s’agit plus… d’un hybride dont la conception offre des sensations que l’on pourrait qualifier de “fast-action-swords ‘n’ gun”. Dans le premier niveau, vous allez souffrir comme jamais. Les morts sont nombreuses, la maniabilité vous semble discutable, les mouvements imprécis, la visée abjecte.

     Et vous allez mourir. Encore et encore et encore et encore. Chaque petit pas, chaque microprogression dans cet enfer sans concession sera une victoire arrachée à la sueur de votre front. Car non seulement la maniabilité a l’air désastreuse, mais en plus les ennemis ne font aucun cadeau. Ils n’hésitent pas à venir à dix, à balancer une véritable pluie de grenades, à se mettre à couvert…

     Mais le plus important dans tout ça, c’est que vous allez apprendre, comprendre, vous améliorer.

     Et la réalité du titre vous sautera alors au visage : non, vous n’êtes certainement pas face à un titre consensuel. Vous êtes sur Wanted: Dead, l’unique et légitime héritier de Ninja Gaiden. Fi des armes à distance ou des

grenades, seul le balai implacable de votre lame compte. Seule la divine chorégraphie de vos mouvements millimétrés vous plongeant dans un état de conscience supérieure, hors du temps et de votre corps, peut vous apporter la victoire.

     Wanted: Dead est une valse avec Charon sur les rives du Styx. Chaque faux pas, chaque imprécision vous conduit irréductiblement dans les limbes éternels de la damnation et de la frustration. Mais si vous apprenez son langage, ses pas ; si vous vous laissez emporter par le moment, l’instant, le rythme… alors votre spectacle n’en sera que plus grandiose encore, et vos victoires proches de l’extase.

     Mais ne vous y trompez pas : le jeu n’est clairement pas fait pour tout le monde. Bien que ce dernier tente par moments de vous proposer, en cas de décès trop fréquents, de passer en difficulté “Chaton”, nul ne s’y trompe : ce n’est là qu’une mise en scène indolente, une insulte gratuite faite pour vous galvaniser, vous poignarder dans votre ego. Et vous vous dresserez une fois encore, lame en main et couvert du sang fielleux de vos ennemis, regardant avec hargne les flots ininterrompus de ces hordes iniques s’approcher de vous. Et que direz-vous à la Mort ? Pas aujourd’hui.

Un écrin doré

     Qu’on ne se trompe pas : si le gameplay de Wanted: Dead est une petite merveille, l’écrin de ce bijou n’est pas en reste. Bien qu’il ne s’agisse que d’un AA disposant d’un budget plus que limité comparé aux superproductions, les développeurs de chez Soleil sont parvenus à livrer un jeu qui n’est pas à prendre à la légère.

     Et malheureusement, c’est bel et bien le début du jeu qui souffre le plus. Le

premier contact peut sembler austère, vieillot, désuet. Graphiquement, le titre accuse un retard technique certain qui n’est clairement pas au niveau de ce qui est proposé aujourd’hui sur les consoles de dernière génération.

     Conscient de ne pas bénéficier des ressources suffisantes, Soleil a fait le choix d’optimiser au maximum l’ambiance. 

     Wanted: Dead dispose donc de tout un attirail de ressorts pour vous plonger dans son univers Cyberpunk sans pour autant prendre le parti de l’invraisemblable. Les protagonistes ne sont certainement pas des gravures de mode. Ce sont des gueules cassées, abîmées par la vie et les expériences… mais au final, rien de plus que des humains.

   Si les membres de votre équipe sont reconnaissables, ils n’ont pour autant rien de réellement original. Sinon Hannah, avec ses tatouages et son bras prothétique.

     La motion capture n’est certes pas parfaite, mais reste clairement dans la norme globale. Mention spéciale cependant pour Stefanie Joosten (déjà connue

pour son rôle de Quiet dans Metal Gear Solid V) qui campe ici une excellente Vivienne (d’ailleurs, je vous laisse fouiller la collection “Vidéos”, puisque les développeurs y ont dissimulé une petite surprise avec cette dernière).

     Et quelle transition ! Parler de cette actrice me permet d’aborder l’un des meilleurs points du titre : sa bande-son. Car en effet, ce n’est autre que Stefanie qui signe la plupart des morceaux de la B.O. du jeu. Bien entendu, d’autres titres viennent s’ajouter à la playlist déjà excellente, comme Nena. Bella and the Switchblades signent également des reprises de certains des grands morceaux des années 80 tels que Maniac ou encore She Works Hard for the Money.

     Bien entendu, ces choix ne sont pas anodins et s’intègrent parfaitement à l’aspect néon de cet univers Cyberpunk.

     Cependant, dans cette recherche d’une expérience “classique post années 90”, Soleil a décidé d’encoder les voix comme à l’époque… inutile de vous dire qu’il faut un bon moment pour s’y faire.

Le classicisme au service du moderne

     Le titre se découpe en six niveaux assez classiques dans leur structure : vous enchaînez ainsi les environnements tout en découpant tout ce qui se présente à vous, du soldat de base aux troupes d’élite en passant par des androïdes ou samouraïs robotisés. Aucune subtilité de level design ne vient rehausser l’intérêt du titre, le tout étant très sobre et relativement anecdotique.

     Certes, certains passages diffèrent quelque peu, comme des ennemis

retranchés en hauteur ou dissimulés dans des labyrinthes… Mais rien qui ne soit réellement transcendant ni novateur.

     Par contre, c’est au niveau visuel que le titre tire indubitablement son épingle du jeu. Il va vous faire traverser un immense complexe composé d’un jardin japonais, un parc proche d’une zone industrielle, un club ou encore le commissariat. Ce ne sont là que quelques exemples, puisque chaque zone dispose d’environnements très diversifiés et réellement impactants visuellement.

     Et toute la force du jeu de Soleil se dévoile au fur et à mesure de ma première partie, pour n’en être que sublimée à la seconde : le lore est incroyablement riche, fort de mille petits secrets que seul le joueur attentif pourra percevoir ou découvrir. Bien entendu, tous ne sont là que pour rendre la diégèse de cet univers concret et cohérent, pas pour vous octroyer le moindre petit bonus.

     D’une très grande difficulté, comme je l’évoquais plus haut ; le titre propose de nombreux mini-jeux pour distraire le joueur consciencieux : pinces pour récupérer des figurines à collectionner ou des morceaux de musique, jeux musicaux autour des ramens, karaoké avec une Hannah chantant faux ou encore… un SHMUP à l’ancienne ! Et pas juste un niveau, non : c’est un jeu entier qui est présent, comme pour me rappeler les origines de la saga et ses inspirations premières.

     Au final, il faut compter moins d’une dizaine d’heures pour faire intégralement le tour de Wanted: Dead… Mais même une fois bouclé, la claque continue et l’envie de reprendre en difficulté supérieure afin de tester ses limites n’est que plus grande encore.

Un florilège de bugs

     Malheureusement, Wanted: Dead n’est pas non plus exempt de tout défaut. Et si ces derniers sont assez peu nombreux, chacun est malheureusement assez frustrant.

Durant ma partie, j’ai eu un crash (retour sur l’écran d’accueil de la console). Un seul, en début de partie. En revanche, d’autres soucis sont venus altérer le plaisir. Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise en mettant la partie en pause durant

une cinématique… et de constater que l’audio se poursuivait malgré tout.

     À l’identique, lorsque vous quittez un mini-jeu, sa musique continue durant la scène suivante, brisant totalement l’immersion.

     Enfin, on déplore clairement les lourds problèmes de caméra qui peuvent survenir par moments, et qui peuvent même conduire à la mort.

     Ces problématiques sont cependant assez bénignes et peuvent être corrigées via un futur patch (sinon la caméra).

J’aime

J’aime moins

L

Un gameplay millimétré…

L

Une D.A. mirifique

L

Une difficulté intense

L

Une B.O. explosive

L

Une ambiance vraiment prenante

K

… sauf à distance

K

Des imprécisions lors des mini-jeux

K

Une caméra rageante

K

Trop court !