Développé par Black Cube Games et publié par IMGN.PRO, The Tale of Bistun s’inspire du poème persan du XIIe siècle « Khosrow et Shirin », un classique de la littérature qui évoque la passion, la mémoire et le poids du destin. Initialement sorti en 2022, le jeu arrive sur Nintendo Switch le 21 janvier 2025, portant avec lui la promesse d’une aventure narrative intense, bercée par les échos d’un passé oublié.

Mais au-delà de la beauté de son récit, cette adaptation parvient-elle à transformer la légende en une expérience marquante, ou se contente-t-elle d’être un simple écho d’un conte millénaire ?

L’Éveil d’un Oublié

Là où le vent caresse la pierre et où les montagnes murmurent des histoires oubliées, un homme se réveille, amnésique, seul, entouré d’un silence qui pèse plus lourd que le roc lui-même. Il ne sait ni qui il est, ni pourquoi il se trouve sur les pentes du mont Bistun. Mais dans cet exil forcé, une voix surgit, éthérée, omniprésente. Elle ne lui donne pas son nom, mais une mission : tailler la pierre, déchiffrer les souvenirs qu’elle renferme, et découvrir la vérité qui sommeille sous la poussière du temps.

The Tale of Bistun impose une approche narrative puissante, s’éloignant des récits classiques pour embrasser la poésie d’une épopée où le passé ne se révèle que par fragments. Le protagoniste n’a pas de mémoire, mais ses mains connaissent leur art. Chaque coup de burin dans la roche devient un pas vers la réminiscence, chaque sculpture achevée fait émerger une part du mystère.

Inspiré du poème persan « Khosrow et Shirin », le jeu ne suit pas exactement l’histoire originale, mais s’en imprègne avec respect et subtilité. Il ne s’agit pas d’une simple adaptation, mais d’une réinterprétation où la mythologie devient moteur d’une quête identitaire. Pourquoi cet homme a-t-il perdu ses souvenirs ? Qui est cette voix qui l’accompagne ? Et surtout, que cherche-t-il vraiment à retrouver ?

Les rencontres jalonnant son périple n’ont rien de grandiloquent, mais elles portent en elles une émotion brute, une humanité qui se dévoile dans la retenue. Les esprits errants, les ombres du passé, les murmures laissés par ceux qui ont façonné le monde avant lui, tout s’assemble peu à peu comme une fresque brisée dont il faut retrouver les morceaux.

Mais la mémoire n’est pas une simple pierre à tailler. Certains souvenirs doivent être mérités, d’autres affrontés. Et plus il s’approche de la vérité, plus le passé semble vouloir lui échapper.

The Tale of Bistun prend le parti d’une narration intimiste, où l’émotion se transmet moins par le dialogue que par l’environnement, les symboles, et la lente reconquête d’un nom oublié. Un choix audacieux, qui donne au jeu une dimension unique, tout en laissant planer cette question lancinante : la vérité mérite-t-elle toujours d’être découverte ?

Le Ciseau et l’Épée

Si The Tale of Bistun porte avant tout son récit sur ses épaules, il n’en oublie pas pour autant les fondements du jeu vidéo : l’interaction, l’exploration, et la confrontation. Mais là où d’autres titres se reposeraient sur des mécaniques complexes, celui-ci fait le choix d’une simplicité qui sert son propos.

Le jeu oscille entre deux rythmes distincts : la contemplation et l’action. L’exploration est fluide, linéaire, mais toujours accompagnée d’un sentiment de progression. Chaque zone traversée est une page du passé qui se tourne, une nouvelle facette de l’histoire qui se dévoile. Les sculptures laissées derrière lui ne sont pas de simples ornements, elles sont des témoins d’un passé à reconstituer.

Mais la mémoire, comme le destin, n’est jamais un chemin tranquille. Lorsque l’ombre du passé devient menace, le ciseau cède sa place à l’épée. Les combats rythment la progression sans jamais prendre le pas sur la narration. Les ennemis, inspirés du folklore persan, surgissent comme des fragments d’un passé qui refuse d’être oublié.

Les mécaniques se limitent cependant à des attaques de base, des esquives, et quelques capacités spéciales, offrant une variété limitée qui peut lasser sur le long terme. Mais c’est peut-être là le véritable parti pris du jeu : ne pas s’attarder sur la violence, mais l’utiliser comme un obstacle à surmonter, un rappel que toute quête de vérité doit affronter ses propres démons.

Le level design, lui, est à l’image du récit : épuré, symbolique, structuré. Les environnements ne sont pas labyrinthiques, ils sont des chapitres. Le mont Bistun, les royaumes mystiques, les lieux où la mémoire se déforme et se reconstruit, tout est conçu pour guider le joueur sans jamais l’égarer. Ce qui pourrait être vu comme une linéarité trop marquée est en réalité un fil rouge narratif qui empêche toute dispersion.

Mais ce choix entraîne aussi ses propres limites. Si le monde du jeu est visuellement enchanteur, il reste relativement restreint, offrant peu de place à l’exploration libre ou aux détours non scénarisés. Cette absence de liberté peut sembler frustrante, mais elle est le reflet du récit que le jeu veut raconter : une ligne droite vers la rédemption ou l’oubli.

The Tale of Bistun ne cherche pas à impressionner par des mécaniques complexes, mais à fluidifier la traversée d’une légende. Et si son gameplay manque parfois de surprises, il parvient néanmoins à accomplir ce qu’il propose : être un pont entre le jeu et la poésie, entre le joueur et l’histoire.

Un rêve sculpté dans la pierre

Si les mots suffisent à raconter une légende, ce sont les images et les sons qui lui donnent vie. The Tale of Bistun comprend cette alchimie et l’exploite avec une direction artistique qui privilégie la sobriété et la puissance évocatrice.

Le jeu ne cherche pas le photoréalisme, mais une esthétique stylisée, où chaque paysage semble figé dans le temps, chaque teinte raconte une émotion. Les montagnes sculptées par le vent, les cités oubliées noyées dans la brume, les royaumes mystiques baignés d’une lumière irréelle, tout contribue à créer une atmosphère envoûtante, qui rappelle les miniatures persanes et les fresques mythologiques.

Les couleurs ont leur propre langage. Le bleu des souvenirs, le doré du sacré, le rouge de la menace, chaque lieu n’est pas qu’un décor, mais un chapitre de l’histoire, un symbole à lui seul. Même si les textures et les modèles ne rivalisent pas avec les standards techniques des productions les plus récentes, The Tale of Bistun impose un charme indéniable, où chaque scène semble être un tableau peint à la main.

Les compositions musicales, inspirées de la musique traditionnelle persane, sont une réussite absolue. Chaque note semble résonner avec l’écho du passé, chaque mélodie porte la nostalgie d’un monde perdu. Les instruments traditionnels s’entrelacent avec des nappes plus modernes, créant une atmosphère sonore qui oscille entre contemplation et solennité.

Les voix, elles aussi, jouent un rôle essentiel. La narration omniprésente donne au jeu l’allure d’un conte raconté au coin du feu, où chaque mot est pesé, chaque intonation renforce l’immersion. Mais si ce choix sert parfaitement l’ambiance, certains joueurs pourraient regretter l’absence d’une plus grande diversité dans les dialogues ou d’un doublage plus varié.

Cependant, c’est dans ses silences que le jeu exprime parfois le plus. Lorsque le vent souffle sur les ruines, que les pas du héros résonnent sur la pierre, que le monde semble suspendu dans un entre-deux, The Tale of Bistun prouve que l’émotion ne se trouve pas toujours dans les mots, mais dans les espaces entre eux.

Si la technique montre parfois ses limites, notamment sur la fluidité des animations ou la répétition de certains éléments visuels, elle s’efface derrière la force de l’atmosphère. Le jeu ne cherche pas à être un exploit graphique, il veut être une fresque vivante, un rêve sculpté dans la mémoire. Et sur ce point, il réussit avec brio.

J’aime

L

Une narration captivante

L

Une direction artistique qui évoque une fresque mythologique

L

Une bande-son magnifique

L

Un récit porté par une voix narrative puissante

J’aime moins

K

Des combats simples et répétitifs

K

Une linéarité marquée

K

Quelques soucis techniques mineurs